L’année du centenaire de la naissance de Léo Ferré, France Télévisions va lui rendre un très bel hommage qui lui serait allé droit au cœur : en l’ignorant complètement. Rien, nada, que dalle ! Ni soirée spéciale, ni documentaire… « Poète, circulez ! »
En refusant de faire quoi que ce soit, le service public télévisé confirme ainsi avec éclat ce que le grand Léo écrivait dès 1956 dans la préface de son recueil « Poète, vos papiers ! » : « le poète d’aujourd’hui doit être d’une caste, d’un parti ou du tout-Paris. Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé. » Léo Ferré était un immense artiste[1]mais n’appartenait effectivement à aucune coterie, sauf celle de la révolte (réelle, non feinte et domestiquée) permanente. Il avait même dénoncé « la mafia » du show-business (« tant pis si t’es en bas de l’affiche, t’avais qu’à être dans la mafia »), renoncé à toute appartenance à un quelconque réseau, et refusé les honneurs et les compromissions. Est-ce cela qui explique que le service public télévisé l’ignore ? Les gens qui aiment Ferré, qui reconnaissent son œuvre, sont nombreux mais par définition pas organisés et ne forment pas un groupe de pression. L’immensité de son œuvre musicale poétique, politique, artistique ne semble donc pas suffisante pour que France Télévisions lui consacre un moment, y compris l’année du centenaire de sa naissance. Contactées en ce sens, les différentes chaînes ont mis en avant qu’il était « démodé », que l’on « pouvait mettre en doute sa modernité » (sic). Une réponse qui aurait pu être entendue d’NRJ 12 mais qui surprend de la part de France Télévisions, dénotant ainsi un relatif manque de connaissances culturelles. Dans sa chanson « Thank you Satan », il écrivait entre autres pour célébrer malicieusement ce dernier pour « ton honneur à ne paraître jamais à la télévision ». Serait-il diabolisé par France Télévisions ?
Mais si l’ORTF de l’époque avait une information aux ordres, au moins la partie artistique et variété était innovante et de qualité. Malgré son tempérament que l’on pourrait qualifier de difficile, Léo Ferré était régulièrement invité dans les années 60, alors qu’il n’y avait qu’une chaîne télévisée jusqu’en 1964 et deux jusqu’en 1972. Aujourd’hui, ni France 2, ni France 3, ni France 4, ni France 5, n’ont cru bon de lui rendre hommage. Et basta !
Heureusement, d’autres services publics ont une vision différente de leur mission : Radio France est mobilisée, et il y aura une journée sur France Inter le 23 septembre prochain suivie d’un concert, ainsi qu’une nuit sur France Culture et FIP, et d’autres manifestations en cours de réalisation. La comédie française a organisé un formidable « cabaret Léo Ferré », complet du début à la fin. La Poste qui reçoit 2000 demandes par an – pour n’en éditer que 50 – a bousculé son calendrier pour qu’un timbre à l’effigie de Léo soit émis l’année de son centenaire. La mairie de Paris, réalisant que le petit jardin qui porte son nom était un peu exigu par rapport à son talent, a décidé de donner son nom au studio musical dans le nouvel équipement culturel de la Canopée des Halles. Mais pour France Télévisions, Ferré n’est pas à la mode !
Y-a-t-il quelqu’un à France Télévisions pour se rendre compte de ce loupé ? Il est encore temps de rendre justice à Ferré.
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[1] https://blogs.mediapart.fr/pascalboniface/blog/170516/leo-ferre-toujours-vivant