Le quasi consensus sur l’augmentation des crédits militaires ne doit pas masquer l’absence de réflexion globale autour des moyens diplomatiques français.
La majorité des principaux candidats à l’élection présidentielle française sont d’accord sur un point : il est nécessaire d’augmenter le budget militaire de notre pays. Il est question de le passer à 2 % du PIB, voire plus. Cette augmentation significative répond à la fois à la nécessité de faire face aux nouvelles menaces, à une demande publiquement énoncée par le chef d’État-major des armées et aux requêtes de la nouvelle administration américaine demandant aux pays européens de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) une contribution plus significative à l’effort commun de défense.
On peut parfois se demander si cet objectif chiffré est basé sur une étude approfondie ou s’il s’agit avant tout d’atteindre une barre symbolique. Il est vrai qu’on assiste à une course mondiale aux armements généralisée. La France entend légitimement conserver ses capacités de projection militaire, qui la distinguent des autres pays de l’Union européenne (UE). Elle se doit de ne pas relâcher l’effort. L’outil militaire n’est pas obligatoirement un facteur d’agression et demeure indispensable pour peser diplomatiquement. L’intervention militaire au Mali, contrairement à celle en Libye ou en Irak, prouve que la possibilité d’utiliser correctement la force armée existe.
Mais, de même que les débats actuels manquent de réflexion globale sur les mutations stratégiques et la place de la France dans le monde, le fait que les propositions des candidats ne concernent que l’aspect militaire de notre politique extérieure peut laisser songeur. Personne ne parle de diplomatie en tant que telle et des moyens qui lui sont alloués. Or, il y a là aussi un défi important.
Depuis plusieurs années, le budget du quai d’Orsay se réduit sans que cela ne suscite aucune réaction des différents responsables politiques. Il est vrai que son Secrétaire général n’a pas le poids que peut avoir le chef d’État-major des armées et qu’on l’imagine mal demander publiquement une sanctuarisation de son budget. Il est également vrai que, sociologiquement, les diplomates, qui font souvent l’objet de présentations aussi caricaturales qu’inexactes, comptent moins que les militaires. Il est enfin vrai que l’utilité de la protection militaire est immédiatement plus perceptible, surtout à une époque où le terrorisme marque les esprits.
Mais comment ignorer que notre sécurité passe également par notre action diplomatique ? Que notre rayonnement extérieur ne peut se maintenir si on rogne sans cesse, fût-ce silencieusement, sur les montants qui lui sont alloués ? En 2017, le budget du quai d’Orsay s’établit à 4,6 milliards de dollars, soit 1,09% du budget général de l’État. Celui-ci a baissé de 7,3% entre 2012 et 2017 soit 365 millions d’euros. Par ailleurs, le budget est régulièrement soumis à des régulations intervenant en cours d’année et qui viennent lui ôter entre 3 et 4 % de ses moyens. Pourtant, le quai d’Orsay anime le troisième plus grand réseau diplomatique consulaire, culturel et éducatif au monde. Le ministère des Affaires étrangères et du Développement international met en œuvre les actions extérieures de l’État, la diplomatie culturelle et d’influence ainsi que l’aide publique au développement. Il a de plus ajouté, depuis 2015, le tourisme et le commerce extérieur à ses compétences. Être présent dans le monde, défendre notre vision et nos intérêts, poursuivre un travail d’influence, participer activement au débat d’idées international, séduire les opinions, etc. participent à la défense de notre influence et sécurité.
Le ministère fait lui aussi face à de graves enjeux sécuritaires par le renforcement des moyens de lutte antiterroriste, de protection de nos bâtiments et de nos communautés à l’étranger. Il ne faudrait pas suivre l’exemple des États-Unis qui, dans un même mouvement, augmente le budget du Pentagone pour réduire sensiblement celui du département d’État. Même des généraux américains ont souligné l’importance des outils diplomatiques en termes de sécurité. Il faut rétablir un équilibre entre soft power et hard power. Pour le moment, il y a consensus pour renforcer notre puissance militaire. On n’entend rien de la part des candidats sur les moyens du soft power. Il s’agit pourtant d’une vision à long terme. L’image n’est peut-être pas assez « parlante » pour que l’opinion publique la soutienne naturellement. Mais les hommes d’État doivent savoir proposer des mesures d’intérêt national même si elles ne sont pas naturellement et immédiatement populaires.
Pascal Boniface vient de publier « Je t’aimais bien tu sais : le monde et la France, le désamour ? », aux éditions Max Milo.