Le Sénégal connaît l’une des plus graves crises de son histoire. Les affrontements entre les manifestants et la police ont fait plus de seize morts, et pour une partie de la population, la confiance dans les institutions est sapée. Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment se fait-il que ce pays, qui était un exemple de démocratie pour l’Afrique, voie sa stabilité mise en cause ?
Tout part de la condamnation d’Ousmane Sonko, principal opposant au président Macky Sall, à deux ans de prison suite à une plainte pour viol déposée par une jeune employée d’un salon de massage. Cette condamnation pourrait l’empêcher de se présenter aux élections présidentielles de l’an prochain.
Ousmane Sonko est un ancien inspecteur des impôts qui avait dénoncé la corruption dans son pays, et avait de ce fait été radié des cadres de la fonction publique. Cela lui avait permis d’obtenir une audience d’autant plus forte, et il avait terminé troisième aux dernières élections présidentielles de 2019. Son discours radical anti-occidental et anti-francs CFA lui apporte beaucoup de soutien, notamment au sein de la jeunesse. Ses partisans estiment que le procès a été truqué et qu’il s’agit en fait, par le biais de la justice, de l’empêcher d’exercer ses droits politiques. Les autorités répliquent que nul n’est au-dessus de la loi. Mais il est difficile de ne pas avoir une manœuvre d’un régime qui est devenu impopulaire.
Il se dit que le président Macky Sall pourrait prendre des libertés avec la Constitution pour se présenter une troisième fois l’an prochain en écartant son principal opposant. Il pense certainement se dégager la route, mais il risque plutôt de plonger son pays dans le chaos. Ousmane Sonko représente une telle force que ses partisans ne se satisferont pas de ce tour de passe-passe juridique. La colère risque de monter.
Jusqu’ici, le Sénégal était un exemple pour ce qui est du respect des règles démocratiques. Le président Léopold Sédar Senghor a été le premier dirigeant africain à accepter de quitter volontairement le pouvoir de son vivant. Son successeur, Abdou Diouf, a accepté l’alternance politique en reconnaissant sa défaite face à son adversaire Wade. Ce dernier avait été tenté d’exercer un troisième mandat, mais la mobilisation de la société civile l’en avait empêché.
S’il persiste sur cette voie, Macky Sall risque de rentrer dans l’histoire pour avoir terni le modèle démocratique sénégalais.
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