En début d’année, Xi Jinping était en grande difficulté politique du fait de la contestation par la population chinoise de sa politique zéro Covid. Il a depuis repris des couleurs. Le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite, réalisé sous les auspices de la Chine, constitue un succès diplomatique majeur pour Pékin.
Riyad et Téhéran ont accepté de revenir sur une rupture survenue en 2016. Une bonne nouvelle pour Téhéran, dont le régime est en proie à une très forte contestation sur le plan interne et qui se retrouve de plus en plus isolé sur la scène internationale. Une bonne nouvelle également pour l’Arabie saoudite, qui démontre qu’elle peut agir indépendamment de Washington sur le plan diplomatique. Cet événement confirme la montée en puissance de la Chine, y compris dans le Golfe, alors que Xi Jinping s’est vu confirmer un troisième mandat à la tête du Parti communiste chinois. La Chine n’est plus simplement un partenaire économique et un acheteur de pétrole. Elle investit de plus en plus le champ diplomatique global. Elle a récemment proposé un plan de paix sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qui, bien qu’il n’ait pas eu de succès, montre bien la volonté de Pékin de devenir un acteur majeur sur le plan diplomatique.
Les liens que Téhéran noue avec Pékin sont anciens, l’Iran contestant la domination occidentale du monde et étant un fournisseur de pétrole pour la Chine. Pour ce qui est des liens entre Pékin et Riyad, il peut paraître curieux qu’un pays communiste et un pays ultra-religieux comme l’Arabie saoudite entretiennent des relations aussi fortes. Chacun y voit son intérêt, en laissant de côté tout aspect idéologique. Il s’agit d’une relation de pur intérêt, parfaitement transactionnel. La Chine, comme l’Arabie saoudite, ne fait dépendre d’accords politiques ou de vues communes la vigueur des relations qu’ils entretiennent. Personne ne fait de leçon sur les droits de l’Homme : ce n’est pas Pékin qui va se préoccuper de Jamal Khashoggi ni Riyad qui va s’enquérir du sort des Ouïghours. Chacun voit dans le développement de leur relation une façon de développer ses marges de manœuvre.
Cette relation diffère en tout point de la relation entre Riyad et Washington. Joe Biden ne cesse de faire des leçons de droits de l’Homme. Alors qu’il avait dit qu’il ferait de Mohammed Ben Salmane un paria, le président américain s’est rendu à Riyad pour lui demander d’augmenter la production de pétrole – ce que le dirigeant saoudien n’a pas fait. Du point de vue saoudien, les Américains passent pour des donneurs de leçons qui ne peuvent pas garantir leur sécurité. Ils ont été impuissants face à une attaque de drone qui avait mis à mal les installations pétrolières saoudiennes en septembre 2019. Par ailleurs, Riyad n’a pas oublié la débâcle de Kaboul. La remontée en puissance américaine en Europe après la guerre en Ukraine ne vaut pas pour Riyad une garantie de sécurité les concernant.
En réalité, le Pacte de Quincy, qui unissait Riyad et Washington depuis 1945, est mis en cause par l’apparition d’un acteur majeur : la Chine. Pékin vient également chasser sur les platebandes de la Russie, qui était autrefois le seul pays pouvant entretenir des relations aussi bien avec Riyad qu’avec Téhéran. Est-ce que la reprise diplomatique entre l’Iran et l’Arabie saoudite viendra freiner le programme nucléaire iranien ? Est-ce qu’il viendra freiner l’interventionnisme iranien en Irak ou celui au Yémen ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Quoi qu’il en soit, ce moment majeur témoigne de la baisse d’influence des États-Unis dans les affaires mondiales. Les Américains apparaissent comme étant extrêmement puissants, voire indispensables en Europe et dans le monde occidental. Ce n’est plus le cas dans le reste du monde, y compris et surtout dans le Golfe.
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