Interview de Pascal Boniface dans La Montagne
Quel est l’enseignement majeur du 11-Septembre ?
La place respective des États-Unis, de la Chine, de la France… n’a pas radicalement été modifiée […] par cette tragédie. Et les États-Unis n’ont pas été affaiblis par ces attentats. Le 11-Septembre est un moment historique, spectaculaire, émotionnel mais ce n’est pas une révolution stratégique comme l’effondrement du monde bipolaire. En 2001, on croyait que les États-Unis étaient au-dessus de tout et que, comme l’URSS avait disparu, plus aucune menace ne pesait sur eux. Quant aux conséquences, elles découlent des décisions que George W. Bush a prises à la suite de ces attentats. Si Al Gore (candidat démocrate à la présidentielle américaine de 2000) avait été élu, il n’y aurait pas eu la guerre en Irak qui a profondément changé le monde en provoquant le développement du terrorisme et en affaiblissant l’image internationale des États-Unis.
Qu’est-ce que ces attentats ont révélé au monde ?
Cela a rappelé que dans un monde globalisé, il n’y avait pas de sécurité absolue et que les menaces asymétriques existaient. Ces attaques qui ont dû coûter l’équivalent de 500.000 euros tout compris ont eu une importance symbolique extrêmement forte.
En quoi la mondialisation a-t-elle favorisé le mouvement qui a conduit à ces événements ?
Il n’est pas sûr que ce soit le premier événement public de la mondialisation mais là on a découvert sa face tragique. Car là, un organisme faible, des milices, un groupe terroriste a pu toucher dans son cœur la première puissance mondiale.
La réponse apportée par les États-Unis a-t-elle été adéquate ?
Visiblement, non ! La guerre d’Irak qui était la réponse directe au 11-Septembre et l’intervention en Afghanistan ont débouché sur deux catastrophes dont les conséquences ne se limitent pas aux seuls territoires irakien et afghan. Les répercussions ont été mondiales. On pouvait comprendre la réaction de la guerre en Afghanistan mais une fois que les talibans étaient délogés, il n’aurait pas fallu faire montre d’une confiance excessive en pensant qu’on pouvait créer un État ex nihilo…
Quelle analyse peut-on faire 20 ans après ?
Le terrorisme frappe encore et les talibans sont revenus du fait des erreurs de l’intervention occidentale qui s’est appuyée sur un pouvoir corrompu et a voulu calquer ses schémas occidentaux sur une société très éloignée de ses propres conceptions. C’était une erreur de penser que l’outil militaire pouvait être une réponse à des problèmes politiques.
Quels enseignements pour contrer le terrorisme ?
Au niveau de la sécurité aérienne, cela a beaucoup changé, elle n’est plus la même qu’avant le 11-Septembre. Il devient de plus en plus compliqué de prendre un avion ! On sait que le risque zéro n’existe pas et c’est là la grande force des terroristes. Ils peuvent nous faire peur en nous donnant le sentiment qu’ils peuvent frapper à tout moment. Même si leurs assauts font, finalement, peu de morts par rapport aux guerres du passé. Mais ces morts ont une importance symbolique beaucoup plus forte que les morts des conflits traditionnels.
Aurait-il été édifiant de juger Ben Laden ?
Certains diront qu’il était préférable de mettre Ben Laden hors d’état de nuire pour être sûr de ne pas lui donner une tribune. D’autres pensent qu’il aurait été mis en face de ses contradictions et que le procès aurait permis de décrédibiliser son discours.
Comment perçoit-on aujourd’hui ces images du 11-Septembre ?
Elles suscitent toujours le même choc émotionnel et tous ceux qui l’ont vécu en direct les ont gardées dans leurs pupilles et dans leur mémoire. Tous ceux qui ont plus de 30 ans, savent à quel endroit ils étaient, ce qu’ils faisaient ce jour-là et quelle a été leur réaction faite surtout d’incrédulité et de sidération.
Propos recueillis par La Montagne.