La Fifa a attribué mercredi l’attribution de la prochaine coupe du monde de football, en 2026, aux trois pays de l’Amérique du Nord. Une décision loin d’être anodine alors que les tensions entre les États-Unis et ses deux voisins sont exacerbées.
« À la veille d’inaugurer le Mondial de foot 2018 en Russie, la Fédération internationale de football association (Fifa) a décidé, hier, par 134 voix contre 65, d’attribuer l’organisation de la Coupe du monde 2026 au trio États-Unis/ Canada/Mexique. Une lourde défaite pour l’autre finaliste, le Maroc, éconduit pour la cinquième fois dans sa quête d’organiser l’événement sportif mondialisé le plus important. Et une lourde déception pour un pays où le football est une passion nationale.
Une claque pour le Maroc
Au départ, le Maroc bénéficiait de peu de chances face à un trio au poids démographique et économique sans aucune commune mesure avec le sien. Mais il arrive que David gagne contre Goliath.
Le Maroc mettait d’abord en avant le caractère resserré de son pays face au gigantisme d’une compétition, fut-elle à 48 équipes, organisée sur tout un continent : pas facile pour les déplacements des équipes et des supporteurs.
Il avançait également que se situant à mi-chemin entre l’Asie et l’Europe, il pourrait organiser les matches à une heure de bonne diffusion, pour le plus grand bassin de téléspectateurs. Enfin et surtout, il pouvait souligner les nombreuses contradictions du dossier mené par les États-Unis.
Un mur et des insultes
Il apparaissait paradoxal, en effet, que les États-Unis veuillent organiser une compétition avec le Mexique, à la frontière duquel ils veulent construire un mur infranchissable, et avec le Canada, avec lequel les relations se sont gravement détériorées au point que Donald Trump se soit permis d’insulter le Premier ministre, Justin Trudeau.
Par ailleurs, il apparaît contradictoire de souhaiter accueillir le monde entier au moment où, entre des propos injurieux sur les pays africains et discriminants sur les musulmans, les États-Unis semblent se refermer sur eux-mêmes et ne tenir aucun compte de l’avis des autres pays. Un pays hyperisolationniste peut-il être l’hôte du reste du monde ? Comment se passera, par exemple, l’attribution de visas pour les ressortissants de certains pays ?
La crainte de sanctions
Dans un tweet rageur dont il a le secret, le président Trump avait menacé de sanctions les pays qui ne voteraient pas en faveur des États-Unis. Il est traditionnel que les gouvernements s’engagent pour soutenir la candidature de leur pays : Lula pour le Brésil ou Nelson Mandela pour l’Afrique du Sud n’avaient d’ailleurs pas échappé à cette règle. Quant à la présente édition, elle fut largement appuyée par Vladimir Poutine.
L’engagement d’un chef d’État est une garantie pour la Fifa d’une bonne organisation et d’infrastructures prêtes à l’heure.
Mais c’est la première fois dans l’histoire des événements sportifs mondiaux (Coupe du monde ou Jeux olympiques) qu’un Président menace les autres en cas de « mauvais » vote. Le Maroc a pu espérer que cela crée un effet répulsif et que les votants – puisque chaque Fédération disposait d’une voix – ne cèdent pas au chantage.
Hélas, il n’en fut rien. Les pays ont majoritairement voté en faveur de la candidature nord-américaine, d’une part parce qu’elle offrait les meilleures retombées économiques (11 milliards de bénéfices prévus contre 5 au Maroc) et, d’autre part, pour des raisons géopolitiques : soit parce qu’ils sont stratégiquement liés à Washington (entre autres pays, l’Arabie saoudite a rompu la solidarité entre arabo-musulmans), soit par crainte de sanctions, notamment pour les petits pays du Pacifique et des Caraïbes. Donald Trump peut triompher et avancer que sa politique de force est payante. »
Mon entretien accordé à Ouest France à lire ici >>>