Voici ma réponse à la lettre ouverte de Caroline Michel Trop, c’est trop, publiée le 8 décembre sur Facebook.
Caroline Michel, comme certains journalistes, estime que la liberté de la presse confère tous les droits, que m’attaquer ne lui causera aucun problème, et que je commets un inadmissible abus lorsque j’ose répliquer. Ce type de conception du journalisme n’est pas entièrement étrangère au sentiment de méfiance que suscitent aujourd’hui les médias. Il en va de même avec une vision du métier où on veut plus influencer le lecteur que l’informer.
Journaliste à L’Obs, C. Michel m’a donc adressé, via Facebook, une lettre ouverte, intitulée Trop, c’est trop. À sa lecture, je m’interroge : est-elle de mauvaise foi ou maîtrise-t-elle mal la langue française ? En effet, elle commence par écrire que « voilà un mois » que je la « poursuis de ma vindicte ». Je n’ai fait que rédiger un article sur mon blog, un tweet et un SMS, il y a en effet un mois. Si elle réagit, c’est peut-être parce que, plus récemment, j’ai envoyé un droit de réponse à L’Obs, exerçant par-là mon droit le plus légitime. En déduire que cela fait un mois que je la harcèle paraît exagéré par rapport au choc que peut constituer une photo pleine page de ma personne (alors qu’elle n’a pu publier aucune photo où je me trouverais en compagnie de Tariq Ramadan), associée aux accusations de viols dont T. Ramadan fait l’objet. Donc, manipulation de vocabulaire.
Je n’ai jamais dit que les attaques dont je fais l’objet, ainsi que l’IRIS, étaient dues à C. Michel. Mais, elle a participé à ce mouvement, en reprenant grosso modo les propos publiés une semaine auparavant par Marianne. Contrairement à ce qu’elle écrit, je n’ai pas non plus consacré un chapitre entier à défendre T. Ramadan, dans mon ouvrage Les intellectuels faussaires. Elle le cite à l’évidence sans l’avoir ni lu ni même ouvert, ce qui est légèrement problématique pour une journaliste d’enquête. On ne sait même plus si on fait face à une tentative de manipulation ou, tout simplement, à de l’incompétence. Elle fait référence au chapitre consacré à Caroline Fourest, qui semble l’avoir inspirée pour son article[1]. Au passage, on peut relever que le service enquête de L’Obs n’a jamais évoqué la façon dont les véritables fondatrices des Femen ont été trahies et spoliées par C. Fourest, au profit de son amie Inna Shevchenko.
C. Michel écrit également que, contrairement à moi, Edgar Morin ne l’a pas mise en cause après la publication de son article, et a, lui, éprouvé de la compassion pour les victimes. La belle affaire ! Il a eu le droit à une page entière où il était maître de son expression, et non pas un article où ses citations ont été soigneusement sélectionnées. Car, comme je l’ai exprimé à de nombreuses reprises, y compris lors de mon entretien avec C. Michel, je condamne tout agression sexuelle ou viol. Donc, il n’y a pas de différence de point de vue entre Edgar Morin et moi, mais une différence de traitement par L’Obs. Nouvelle manipulation.
Enfin, je trouve en effet curieux d’attribuer principalement la popularité de T. Ramadan à ceux qui ont débattu avec lui ou, comme moi, se sont exprimés en faveur de sa libre expression. Je pense plutôt que ceux qui ont voulu l’interdire de parole tout en tenant un discours hostile aux musulmans n’y sont pas étrangers. Curieusement, C. Michel n’émet aucun reproche envers les journalistes qui l’ont invité, de Franz-Olivier Giesbert à David Pujadas, ayant par-là plus contribué à la notoriété de l’islamologue qu’Edwy Plenel ne l’a fait en participant à deux débats publics avec ce dernier. Il faut y voir certainement le fruit d’un corporatisme des journalistes mainstream, le même qui explique d’ailleurs pourquoi le lecteur de L’Obs ne sera jamais informé de l’affaire Haziza et des tumultes qui secouent LCP.
Pour conforter ses propos, C. Michel m’oppose les propos de Feiza Ben Mohammed. Cette dernière a vivement réagi, via ses comptes Facebook et Twitter :
« J’apprends avec effarement que je suis citée par la journaliste de l’Obs, Caroline Michel dans un long communiqué personnel, qu’elle vient de publier pour exposer en détail le conflit qui l’oppose à Pascal Boniface depuis la parution de son reportage sur Tariq Ramadan.
(…)
Je suis en totale accord avec les prises de position de Pascal Boniface et ne souhaite pas que mes propos soient déformés pour que nous soyions mis en opposition.
Cet écrit est uniquement destiné à disqualifier Pascal Boniface, pour qui j’ai le plus profond respect et qui fournit à mon sens des réflexions absolument nécessaires. Je n’aiderai pas à sa chute et le soutiendrai.
Ne comptez pas sur moi, je ne mange pas de ce pain là. La cabale contre Plenel et Boniface, orchestrée par une branche haineuse de la gauche française fait visiblement perdre tout discernement à la classe politico-médiatique. »
Donc, je ne me trompe pas tellement quand je parle de manipulation. Peut-être que le service enquête de L’Obs pourrait se pencher sur ce problème…
[1] J’y évoquais, dans un passage, les accusations qu’elle porte contre T. Ramadan et les contrevérités auxquelles elle se livre. C. Fourest a certes été la première femme à attaquer Tariq Ramadan, mais pas pour des motifs d’agressions sexuelles. Et les arguments qu’elle a employés contre lui étaient, comme très souvent avec elle, truffés de faussetés. Le fait que T. Ramadan soit aujourd’hui mis en cause ne les avalise en rien.
Cet article est également disponible sur Le Club Mediapart.