Les membres du G7, en se réunissant à Hiroshima au Japon, avaient deux objectifs. Le premier, réaffirmer solennellement l’engagement et leur soutien à l’Ukraine. Le second, élaborer une stratégie commune face au défi chinois sans trop envenimer leur relation avec Pékin.
Au service de ces deux objectifs, ils avaient une stratégie : associer les pays du « Sud global » pour éviter que le clivage the West versus the Rest, déjà franc, ne s’élargisse encore plus. Ce n’est certes pas la première fois que le G7 invite d’autres États à participer à ses travaux, mais rarement l’objectif a été aussi visible et précis. Ont donc été invités l’Australie, très proche des Occidentaux, mais également le Brésil, les Comores, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie, les îles Cook et le Vietnam.
Il y a eu également un invité surprise, Volodymyr Zelensky, venu plaider sa cause, se rendant au Japon par un avion de la République française. Les pays occidentaux, en effet, déplorent que les pays du « Sud global » renvoient peu ou prou dos à dos la Russie et l’Ukraine et ne se montrent pas suffisamment solidaires de la cause ukrainienne.
Si l’objectif était de montrer qu’y compris après 15 mois de conflit, les pays occidentaux continuent de soutenir sans restriction l’Ukraine, il a été atteint. De nouvelles promesses d’aide militaire ont été formulées et Joe Biden a accepté que des pilotes ukrainiens puissent être entraînés sur des avions américains F16.
Mais sur la question ukrainienne, le fossé the West versus the Rest n’a en rien été comblé. Si Volodymyr Zelensky a bien pu avoir un entretien en tête à tête avec le Premier ministre indien Narendra Modi, celui-ci s’est contenté d’un vague engagement d’aide humanitaire. Il n’a pu rencontrer ni le président brésilien ni le président indonésien. Ces deux pays ont certainement pensé que les membres du G7 voulaient leur forcer la main et ils n’ont pas forcément apprécié la démarche. Leur position n’a donc pas changé. Les pays membres du G7 ont fait preuve d’ouverture en voulant associer des grandes démocraties du « Sud global », mais ils ont voulu le faire à leurs conditions et à celle du président ukrainien, sans tenir compte des sensibilités de ces États.
On sait que, s’agissant de la Chine, il y a une divergence d’attitude entre les pays européens et les États-Unis. Ceux-ci voudraient mettre en place une politique d’endiguement à l’égard de Pékin comparable à celle mise en place avec succès du temps de la guerre froide contre l’Union soviétique. Mais il y a un petit changement néanmoins. Il y avait entre l’URSS et les États-Unis deux milliards de dollars d’échanges économiques par an ; ce sont deux milliards par jour désormais entre la Chine et les États-Unis, et les échanges sont aussi très fournis entre l’Europe et la Chine. Un compromis semble avoir été trouvé. On ne parle plus de découpler les économies chinoises et occidentales, mais de se diriger vers une stratégie d’éviter les risques, notamment d’une dépendance trop importante.
Mais dans un passage enfoui à la fin du communiqué final, néanmoins très visible, les Occidentaux, tout en disant qu’ils ne voulaient pas mettre en cause le développement de la Chine, lui ont exprimé un nombre de reproches relativement important sur son attitude en mer de Chine, sur les pressions économiques – l’accusant de coercition – qu’elle peut exercer envers les pays concernés par son projet des « Nouvelles routes de la soie », mais également sur Taiwan, sur les droits de l’homme… Ils lui ont également demandé de faire pression sur la Russie pour parvenir à une paix en Ukraine, sous-entendu aux conditions de l’Ukraine.
Il y a une certaine ironie de la part des pays occidentaux à dénoncer la coercition économique chinoise, au regard de la législation extraterritoriale des États-Unis et la logique des sanctions qu’ils mettent en place assez fréquemment.
Comment ces pays occidentaux auraient-ils réagi si la Chine, après un sommet international, avait formulé des exigences aussi nettes à l’égard de leur politique ? Quoi qu’il en soit, la réaction ne s’est pas fait attendre et le G7 débouche sur une crispation supplémentaire entre les Occidentaux et la Chine.
Les Occidentaux ont montré qu’ils prennent conscience de cette division avec les pays du « Sud global », mais s’ils continuent à penser qu’il suffit de quelques consultations pour que les pays du Sud se rallient à leurs positions, ils se trompent d’époque.
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