Les déclarations de l’ambassadeur de Chine en France Lu Shaye sur la Crimée et les pays de l’ex-URSS ont provoqué un véritable tollé. Pour le diplomate, qui en l’occurrence l’a été très peu, les pays anciennement soviétiques « n’ont pas le statut effectif dans le droit international parce qu’il n’y a pas d’accord international pour concrétiser leur statut de pays souverain ».
Il ajoute qu’il n’y a pas de souveraineté de l’Ukraine sur la Crimée en déclarant : « Ça dépend de comment on perçoit ce problème. Il y a l’Histoire. La Crimée était tout au début à la Russie. C’est Khrouchtchev qui a offert la Crimée à l’Ukraine dans l’époque de l’Union soviétique. »
La Crimée, conquise par Catherine II, avait été rétrocédée de la Russie à l’Ukraine par Khrouchtchev en 1954, dans le cadre des frontières de l’Union soviétique. À la dissolution de celle-ci, elle reste sous souveraineté ukrainienne.
Après la révolution Maiden, présentée comme un coup d’État par Moscou, elle a été annexée sans un coup de feu, mais de façon illégale au regard du droit international. Cette annexion n’est pas reconnue par la communauté internationale, Chine incluse.
Au moment où la diplomatie chinoise se déploie au niveau global, en étant la maîtresse d’œuvre d’une réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, et en ayant proposé un plan de paix pour la guerre en Ukraine, on peut dire que le moment est mal choisi. Monsieur Lu Shaye peut peut-être penser que la Crimée restera russe. Il n’est pas habile de sa part de le dire publiquement. Il dessert ainsi les intérêts de son pays, puisque le plan de paix proposé par la Chine pourtant favorable à la Russie et rejeté par les Occidentaux ne l’avait pas été par le président Zelensky, soucieux de ménager Pékin.
Les propositions de médiation et de plan de paix se multiplient ces derniers temps. Le Brésil est rentré dans l’annonce ainsi que les Émirats arabes unis, chacun étant pressé de voir mettre fin à la guerre qui outre les souffrances et dévastations qu’elle cause aux protagonistes, pèsent sur l’économie mondiale et la situation sociale dans bien des pays.
Mais pour l’Ukraine, et les Occidentaux qui la soutiennent, la paix ne peut se faire qu’après la reconquête des territoires perdus depuis le début de la guerre, Crimée incluse. Pour la plupart des pays du « Sud global », la guerre doit cesser au plus vite, quand bien même l’Ukraine ne retrouverait pas toute son intégrité territoriale, étant entendu que sa souveraineté n’est plus menacée.
De son côté, la Russie ne veut négocier qu’après que ses gains territoriaux obtenus par la guerre soient reconnus. Les positions sont donc inconciliables, chacun compte sur le sort des armes pour faire valoir son point de vue.
L’Ukraine prépare une contre-offensive avec une aide matérielle intense des Occidentaux. Les Russes, pour leur part, ont fortifié leur défense. Si la contre-offensive ukrainienne réussit et qu’il y a un effondrement de l’armée russe, Kiev aura gain de cause. C’est possible, mais ce n’est pas le plus probable.
Le plus probable c’est que l’Ukraine parvienne à récupérer une partie de ses territoires, mais pas l’ensemble. Dans ce cas-là, faudra-t-il continuer la guerre encore longtemps ? Faudra-t-il mourir pour la Crimée ? En réalité, la Crimée est plus importante pour Vladimir Poutine que pour les Russes, mais elle est également plus importante pour Zelensky que pour les Ukrainiens.
En mars/avril 2022, comme il était en difficulté sur le plan militaire, le président Zelensky était prêt à des compromis territoriaux et à se laisser un délai de 10/15 ans pour évoquer de nouveau le sujet de la Crimée.
Pour le moment les Occidentaux disent que seule l’Ukraine décidera du moment où la guerre va se finir. Tant que l’offensive militaire n’a pas donné son verdict, on s’en tient là. Si elle réussit, les alliés se féliciteront d’avoir tenu bon. Si elle échoue ou ne réussit que partiellement, les pressions pour mettre fin à la guerre, fut-ce de façon tacite sans accord entre les protagonistes, deviendront de plus en plus fortes.
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