Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, on parle de plus en plus du clivage the West versus the Rest. Cette division s’est désormais étendue aux affaires olympiques. Il y a sur ce dossier une demande majoritaire des pays occidentaux pour que les athlètes russes et biélorusses soient exclus des Jeux olympiques. Le CIO veut quant à lui permettre aux athlètes russes et biélorusses de participer, mais à titre individuel, sous bannière neutre et sans hymne en cas de victoire. Les équipes nationales sur les sports collectifs ne pourraient pas participer. Cette proposition du CIO est vivement contestée par l’Ukraine et par ses alliés, l’Ukraine menaçant même de boycotter les Jeux olympiques de Paris si des athlètes russes et biélorusses venaient à y participer, y compris sous bannière neutre.
La Russie est l’agresseur, l’Ukraine l’agressée et la Biélorussie est complice de l’agression russe. Il y a donc une rationalité à dire qu’un pays qui a déclenché une guerre contre son voisin ne puisse pas participer aux JO. Mais dans le passé, le Mouvement olympique n’a pas toujours été aussi ferme. Les États-Unis ont participé aux Jeux olympiques après le déclenchement de la guerre en Irak. Deux ans plus tard, les Jeux ont été attribués à Londres. A l’époque, les délégués des pays de l’Est ont voté non pas pour Paris, capitale du pays qui s’était opposé à la guerre, mais bien pour Londres, une capitale pro-guerre. On peut également supposer que le membre ukrainien du CIO ait à l’époque lui-même voté en faveur de Londres, même si le vote était alors secret.
Les temps auraient donc changé : ce qui était admis auparavant ne l’est plus à présent et désormais, tout pays qui déclenche une guerre se verrait exclure. Encore faudrait-il donc que des sanctions soient appliquées de façon globale, ce qui n’est pas le cas. Thomas Bach, le président du CIO, estime que les pays occidentaux sont hypocrites, puisque 70 pays sont en conflit dans le monde, et qu’on ne peut tous les exclure. Il justifie ainsi la participation a minima des athlètes russes et biélorusses à titre individuel, en excluant d’ailleurs également ceux qui ont approuvé la guerre. Pour Vladimir Poutine, la participation de ces athlètes présente un avantage, et en cas de victoires, il saura se les approprier. Mais d’un autre côté, une participation sous bannière neutre montrera le caractère anormal de la participation russe. L’argument que fait valoir le CIO est qu’il serait injuste de condamner des athlètes pour le comportement de leur gouvernement. Thomas Bach, dans une déclaration le 30 mars, déclare « Il est déplorable de voir que des gouvernements ne veulent pas respecter la volonté de la majorité des parties prenantes du mouvement olympique ni l’autonomie du sport, il est déplorable de voir que ces gouvernements, n’abordent pas la question des doubles standards. Nous n’avons pas vu un seul commentaire sur leur attitude à l’égard de la participation d’athlètes des pays des 70 autres guerres et conflits armés à travers le monde. » Thomas Bach appuie là où ça fait mal car, pour les pays du Sud, la question des standards est centrale dans les différences d’appréciation de la guerre en Ukraine.
On voit en tout cas qu’il y a une très forte différence de vue sur cet enjeu olympique. Les pays occidentaux sont généralement pour la décision d’exclure tout athlète russe et biélorusse des Jeux olympiques et des compétitions sportives internationales. Les autres pays sont plutôt hostiles à cette décision et dans certaines fédérations, la Russie pourrait continuer à concourir, notamment dans les fédérations asiatiques, face à une exclusion des fédérations européennes. On voit donc que cette division the West versus the Rest se niche également sur les décisions sportives et olympiques. La France, qui est l’hôte des prochains Jeux, n’a pas pris de position. Elle est coincée entre son statut de pays hôte et donc la nécessité d’être en phase avec le CIO, et son statut de pays occidental européen, groupe de pays majoritairement favorable à l’exclusion des athlètes russes et biélorusses. Volodymyr Zelensky a demandé à Macron de respecter cette règle et de ne pas accepter cette participation. Mais c’est bien le CIO qui est décisionnaire s’agissant des Jeux olympiques.
Peut-être que la volonté d’exclure les athlètes russes et biélorusses passerait mieux si on l’avait appliquée aux autres pays qui se sont, dans la période récente, eux aussi lancés dans des conflits, ou si on établissait une règle générale, plutôt que de donner le sentiment qu’il n’y a que des cas particuliers.
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