Volodymyr Zelensky vient d’effectuer une tournée triomphale à Londres et Bruxelles – où les parlementaires britanniques et les 705 eurodéputés lui ont réservé un accueil plus que chaleureux – ainsi qu’à Paris.
Comment expliquer un tel succès ? C’est simple, Volodymyr Zelensky est le leader iconique, courageux, et charismatique, qui a affronté la mort en restant à la tête de son pays alors que les chars russes approchaient. C’est le leader d’un pays martyr, puisque bombardé, massacré par une Russie menée par un leader parfaitement répulsif, brutal et répressif pour les Occidentaux.
Volodymyr Zelensky a compris qu’il fallait jouer sur les opinions publiques pour maintenir, voire augmenter, le soutien à l’Ukraine. Il est venu demander des armes, des avions, plus de munitions, et le passage d’un cran supérieur dans l’aide militaire délivrée par les pays européens à l’Ukraine. A Bruxelles, il est également venu demander une procédure express d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Zelensky défend admirablement l’intérêt national de son pays.
Mais pour les autres dirigeants européens, l’intérêt national consiste-t-il à accéder à toutes ses demandes ? C’est moins certain. Qu’il faille aider l’Ukraine à lutter militairement contre la Russie pour reprendre les territoires perdus depuis le 24 février est une évidence partagée par tous les Occidentaux en raison de la grave violation du droit international par Moscou. Mais que cette atteinte aux droits de l’Ukraine donne à Kiev un droit irrémédiable et rapide à adhérer à l’Union européenne est quelque chose de très différent.
L’Ukraine n’est pas prête économiquement. Un coup de balai a bien été donné dans le système de corruption à grande échelle qui caractérisait le pays. Cependant, il est pour le moins incertain que l’Ukraine se soit débarrassée de ce fléau. Cela, personne n’ose le dire, car prendre des distances, même minimes, avec Zelensky revient à être accusé d’être partisan de l’agression de la Russie.
Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, a affirmé dans son allocution de bienvenue à Zelensky, que « l’Ukraine était l’Europe, et que l’avenir de cette nation était au sein de l’Union européenne ». Sur Twitter, le président du Conseil européen Charles Michel lui a lui aussi souhaité : « Bienvenue chez vous, bienvenue dans l’UE ». C’est une véritable course à l’échalote entre les institutions pour apparaître la plus favorable à l’Ukraine, la même à laquelle nous assistons entre les différents dirigeants européens. Une course à laquelle le président Macron participe lui-même, soucieux de se laver de l’accusation d’avoir été trop longtemps partisan d’un dialogue direct avec Poutine. Et voilà qu’il reçoit les félicitations de Zelensky dans le Figaro – le président ukrainien distribuant les bons et mauvais points des dirigeants européens. Normalement, un pays sollicitant une aide étrangère est en situation de demandeur ; ici, c’est l’inverse. Ce sont les pays européens qui demandent un brevet de respectabilité au président Zelensky.
L’Ukraine n’est pour le moment pas prête à adhérer à l’Union européenne. Le sera-t-elle par la suite ? Outre les problèmes de niveau économique et de corruption, il y a une question stratégique. Il faudra en effet déterminer si le projet ukrainien est réellement européen, ou si elle se comportera en défenseur des intérêts des États-Unis en Europe au motif que ce sont les États-Unis qui lui ont fourni l’essentiel de l’aide militaire. Une fois dans l’Union européenne, jouera-t-elle sur le sentiment de culpabilité en accusant les pays européens pour n’avoir pas suffisamment aidé ? L’Union européenne a des différends avec les Etats-Unis. En cas de différends économiques et commerciaux entre l’Union Européenne et les États-Unis, de quel côté se placera l’Ukraine ? Là aussi, la question mérite d’être posée.
Nous cédons trop à l’émotion en affirmant que l’Ukraine pourra adhérer rapidement à l’Union européenne. Cela apportera bien plus de problèmes que de solutions. Il faut distinguer l’aide militaire à accorder à l’Ukraine afin qu’elle reconquière les territoires perdus depuis le 24 février de son adhésion à l’Union européenne, et ne pas réagir uniquement sur des bases émotionnelles.
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