Six mois après le début de la guerre, Moscou a échoué à conquérir Kiev et une grande partie de l’Ukraine. La Russie maîtrise tout de même 20% du territoire. À l’heure où les pays occidentaux ont pris des sanctions extrêmement lourdes et sévères contre la Russie, il semble difficile à court terme d’imaginer que Vladimir Poutine puisse plier face à celles-ci et que l’armée russe soit délogée du territoire ukrainien, à tel point que l’on peut se demander si les Occidentaux ne subiraient pas eux-mêmes, par contrecoup, les sanctions qu’ils ont décrétées. Comment expliquer cette réaction ?
Si l’Occident ne souhaite pas recourir à la guerre, il ne peut agir auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies puisque la Russie, en tant que membre permanent, poserait son véto. Face à une très forte demande de riposte de la part de l’opinion, la mise en place de sanctions permet à l’Occident d’afficher un désaccord avec l’action politique de la Russie tout en évitant une déclaration de guerre. Il s’agit d’une sorte de réflexe occidental puisque de nombreuses sanctions ont déjà été établies suite à d’importants désaccords politiques avec un pays.
L’histoire a pourtant démontré que les sanctions n’ont pas toujours été efficaces, voire qu’elles ne l’ont jamais été. Les États-Unis ont pris de très lourdes sanctions à l’égard de Cuba au point de soumettre l’île à un quasi-embargo. Pourtant, le régime fondé par Fidel Castro est toujours en place, même après le décès de ce dernier. Des sanctions extrêmement sévères ont également été prises à l’encontre de Saddam Hussein, elles ont avant tout fait souffrir la population irakienne (500 000 victimes entre 1991 et 2003) sans pour autant empêcher la guerre afin de renverser Saddam Hussein. Les sanctions prises contre le régime syrien suite à la répression de la révolution démocratique n’ont pas fait tomber Bachar Al-Assad. Les sanctions accumulées contre Téhéran depuis 1979 n’ont pas empêché les Ayatollahs de se maintenir fermement au pouvoir. Comment espérer dès lors qu’un pays aussi grand et puissant que la Russie, avec un dirigeant aussi déterminé que Vladimir Poutine, puisse céder ?
Les sanctions semblent parfois prises afin de réagir et de ne pas avouer une certaine impuissance sans pour autant être réellement efficaces et parvenir au but qu’elles sont censées servir, à savoir modifier le comportement politique d’un adversaire. Les seules sanctions qui ont réellement fonctionné sont celles prises à l’égard de l’Afrique du Sud qui ont conduit le pouvoir blanc à démanteler l’apartheid. Cependant, ces sanctions avaient été prises à l’échelle mondiale, les autres sont seulement des sanctions occidentales. Il est donc possible pour Moscou de les contourner et d’y échapper en s’adressant à des partenaires, de façon ouverte ou clandestine, qui n’adhèrent pas à ces sanctions.
Ces sanctions ont posé problème puisqu’elles ont été décrétées entre Occidentaux, sans concertation préalable avec le reste du monde, qui les ont rejetées par refus de suivre docilement aveuglément les pays occidentaux comme ils avaient pu le faire par le passé. De fait, si auparavant les États-Unis décidaient de sanctions contre un pays, les pays latino-américains les suivaient, comme les pays africains suivaient la France. Or, à présent, les pays occidentaux n’ont plus la même mainmise sur les autres pays. Ils ne dominent plus le monde et si nous continuons à agir comme auparavant, nous allons échouer. Les alliés des États-Unis au Proche-Orient suivent leur voie propre.
Les sanctions ne produisent plus le résultat escompté et risquent de faire apparaître non seulement un relatif isolement du monde occidental, mais également une relative impuissance de ce dernier. Il est donc nécessaire d’adapter la politique occidentale à la nouvelle donne géopolitique plutôt que de fixer l’agenda et d’espérer que d’autres pays le suivent aveuglement. Il convient de négocier et de convaincre que les agissements de Moscou sont inacceptables et qu’ils peuvent les mettre en danger eux-mêmes dans le respect de leur propre intégrité territoriale.
En se fixant des objectifs non réalisables, en ne respectant pas ses propres principes et en agissant comme s’il détenait toujours le monopole de la puissance, le monde occidental s’affaiblit. S’il souhaite se défendre, mais également conserver une certaine aura et des capacités de manœuvre, le monde occidental doit faire preuve de cohérence et adopter un leadership par la négociation et l’influence. Adopter un discours critique ne revient pas à tenir un discours anti-occidental, mais au contraire un discours occidental cohérent.
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