On emploie des méthodes indignes quand on est à court d’arguments.
À la rentrée, la revue Foreign Affairs prit contact avec l’IRIS, par l’intermédiaire de l’auteur franco-américain Romuald Sciora, afin d’organiser début 2018 une conférence commune sur les relations franco-américaines à l’ère de Donald Trump. Cette revue est certainement la plus influente des revues trimestrielles en matière de relations internationales aux États-Unis et, au regard de la suprématie américaine dans le domaine du débat international sur les questions stratégiques, également dans le monde. Elle émane du Council on Foreign Relations, créé juste après la Première Guerre mondiale aux États-Unis par des opposants à la politique isolationniste qui avait conduit Washington à ne pas adhérer à la Société des Nations. Foreign Affairs, c’est le moins que l’on puisse dire, n’adhère pas à la ligne de D. Trump et souhaite une politique américaine plus engagée auprès de ses alliés. Elle effectue une tournée européenne, en coorganisant quatre conférences à Berlin, Londres, Bruxelles et Paris.
L’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), que je dirige, était ravi d’être contacté pour être leur partenaire français. Nous sommes, de manière générale, toujours prêts à débattre et un partenariat de ce type est intéressant. Tout se mettait en place de façon harmonieuse.
Trois semaines avant l’événement, fixé au 6 février, nous avons eu une petite alerte. Le responsable de Foreign Affairs avait été contacté par François Heisbourg au sujet du caractère « problématique » d’une collaboration avec nous. Bien sûr, ce dernier l’avait fait dans notre dos, les mettant en garde sur le caractère sulfureux de l’IRIS et de son directeur, en envoyant des liens avec les différentes attaques menées par Manuel Valls contre nous. F. Heisbourg est assez connu aux États-Unis. Il est l’un des Français qui constituent pour eux un bon relais d’opinion ; sa voix peut donc compter.
Alors qu’il n’a pour sa part jamais été en contact avec Foreign Affairs, F. Encel, sans doute informé par F. Heisbourg, n’a pas souhaité être en reste : “ (…) many professors and reserchers in France are agree with my friend François Heisbourg about M. Boniface ”, a-t-il envoyé de son côté.
Il y a donc ajouté son grain de sel. Pour lui, la dénonciation cachée semble être une seconde nature ou un besoin compulsif puisqu’il a déjà eu plusieurs fois recours à cette méthode contre moi, et même contre mon fils.[1] Heureusement, Foreign Affairs, après avoir pris connaissance de la réalité des choses, n’a pas tenu compte de ces dénonciations calomnieuses et un passionnant débat a eu lieu comme prévu.
Au sein d’un monde normal, ceux qui se veulent influents dans le domaine intellectuel, qui se prétendent experts et universitaires, et qui ont recours à ce type de méthode devraient être condamnés par leurs pairs autant que par médias. La dénonciation masquée est indigne et devrait disqualifier ceux qui y ont recours. J’imagine qu’il n’en sera rien et qu’ils pourront continuer à délivrer de façon sentencieuse leur expertise. Il est vrai qu’ils avaient déjà soutenu la guerre d’Irak, même s’ils prétendent aujourd’hui le contraire, et prônaient des solutions militaires pour contrer le nucléaire iranien, sans que cela vienne nuire à leur exposition médiatique. Les néoconservateurs à la française ont la vie dure.
Mais leurs méthodes en ce cas sont franchement pitoyables. F. Heisbourg a une approche bien personnelle pour régler les problèmes de concurrence. Quant à F. Encel, il poursuit toujours insidieusement le travail de sape entamé contre moi il y a dix-sept ans. Je n’aurais pas aimé être leur voisin durant l’occupation.
Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, vient de publier Antisémite (Max Milo), et 50 idées reçues sur l’état du monde (Armand Colin).
[1] Cf. BONIFACE (Pascal), les pompiers pyromanes, Pocket, 2016 et Antisémite, Max Milo, 2018.
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