Mon interview accordée au journal Aujourd’hui le Maroc à retrouver ici :
La menace terroriste est de plus en plus présente. Cela mène-t-il nos sociétés vers une sorte de pessimisme général ?
Il ne faut pas réfléchir en termes de pessimisme mais de vigilance. La menace terroriste existe encore malgré les victoires réalisées sur le terrain contre Daech actuellement. Il ne faut donc pas relâcher l’attention, sans pour autant tomber dans une sorte de panique. Vigilant signifie être attentif mais ne pas non plus vivre dans un climat de peur.
Il ne faut donc pas non plus changer de mode de vie et restreindre fortement les libertés publiques. Donc, le bon mot c’est la vigilance car la menace terroriste est bien réelle mais il ne faut pas non plus la surestimer.
On parle beaucoup de la convergence des politiques entre Etats africains pour lutter contre le terrorisme, comment cette coopération peut-elle porter ses fruits ?
C’est évident qu’il doit y avoir une politique convergente parce que le terrorisme n’est pas une menace nationale. Le terrorisme est une menace régionale, voire mondiale. S’il n’y a pas une coopération active entre les pays concernés cela laisse des occasions aux terroristes de passer à travers les mailles du filet de façon plus facile. Donc la coopération est la base même.
Chaque Etat-nation doit donc faire sa part du travail, ensuite il peut y avoir une coopération régionale et au-delà une coopération continentale et mondiale.
La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël a été largement commentée dans le monde entier, que pensez-vous de cette décision unilatérale des Etats-Unis ?
La politique étrangère américaine est tout simplement catastrophique. Il n’y a pas d’autres termes. Donald Trump accentue les crises parce que tout simplement il espère couvrir ses problèmes de politique intérieure tout en soutenant l’économie américaine. Et donc lorsqu’il appuie sur la crise par rapport à la Corée du Nord, par exemple, cela augmente le volume de ventes d’armes. Lorsqu’il dresse l’Arabie Saoudite contre l’Iran, cela augmente les commandes d’armement dans l’ensemble de la région et les Américains en bénéficient. Par rapport au cas spécifique de Jérusalem, effectivement là encore c’est un geste de politique intérieure pour plaire à son électorat sans se préoccuper des conséquences internationales extrêmement négatives.
Ce conflit du Proche-Orient est déjà très important depuis trop longtemps. Jérusalem, il faut le rappeler, n’est pas une question israélo-palestinienne parce c’est un lieu saint pour l’ensemble des musulmans et pour les chrétiens d’ailleurs aussi.
On assiste actuellement dans le monde à une sorte de contradiction, c’est-à-dire que d’une part il y a des appels à la coopération et d’autre part un regain de nationalisme et de repli identitaire. Quel regard portez-vous sur cela ?
C’est effectivement un défi extrêmement important puisqu’il y a actuellement plus de guerres de sécession que de guerres de conquête. J’avais utilisé, il y a quelques années, pour le conflit yougoslave, le terme de prolifération étatique. Les régions les plus riches veulent se séparer des régions les plus pauvres, par exemple le Kurdistan irakien, la Catalogne, ou encore les Flamands en Belgique. Il peut y avoir de bons exemples comme la Tchécoslovaquie avec un divorce de velours, mais trop souvent l’expérience a montré que c’est une phase tragique.
Que pensez-vous de l’initiative du G5 Sahel actuellement en cours à Paris?
L’intervention au Mali est une intervention réussie. Sans elle on aurait eu une sorte d’Afghanistan en Afrique si les djihadistes avaient pris Bamako. Mais en même temps la solution doit venir des pays de la région. A terme même les forces qui sont bien accueillies seront mal reçues au bout d’un certain temps. Donc il est absolument nécessaire de passer au G5 Sahel pour assurer cette dimension sécuritaire et évidemment qu’ils ne peuvent le faire qu’avec une aide des pays européens et de la communauté internationale.