Lundi 25 septembre 2017, l’Institut français des relations internationales (IFRI) organise une conférence, The Gulf Crisis : the View from Doha, avec Cheikh Mohamed bin Abderrahmane Al-Thani, ministre des Affaires étrangères de l’État du Qatar.
Débattre de façon ouverte avec des responsables étrangers est ce qu’on est en droit d’attendre d’un centre de recherche sur les questions géopolitiques. En s’exprimant devant un public composé de spécialistes français, afin de présenter leur point de vue et de répondre aux questions, ces derniers sont également dans leur rôle. Au moment où le Qatar fait face à un blocus organisé par ses voisins, cet exercice de diplomatie publique est tout à fait justifié. Il n’a pas suscité de commentaires particuliers, qui n’avaient pas lieu d’être.
Au printemps dernier, l’IFRI avait déjà organisé un prestigieux colloque, d’un très grand format : le forum de Doha. Par ce type de manifestations, il assure une présence française à l’étranger, encore trop rare sur les questions stratégiques. Il convient donc de s’en féliciter. L’IFRI fait en la matière un travail remarquable. J’ajoute qu’à titre personnel, j’entretiens des relations confraternelles cordiales avec son directeur, Thomas Gomart.
Cela étant dit, si l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) avait été à l’origine de l’une ou l’autre conférence, les commentaires habituels auraient déferlé sur les réseaux sociaux : « L’IRIS et/ou Pascal Boniface est payé par le Qatar ». En effet, depuis quelques années maintenant, nous subissons ce type de rumeurs calomnieuses. Pourquoi cette accusation à l’égard de l’IRIS et ce silence à l’égard de l’IFRI ? La différence tient en réalité à mes prises de position sur le conflit israélo-palestinien.
En effet, la source de ces attaques est parfaitement identifiée : il s’agit de partisans inconditionnels de l’actuel gouvernement israélien qui me reprochent mes positions sur le conflit au Proche-Orient. Mais, plutôt que de contredire mes arguments, comme le font certains, avec lesquels j’accepte toujours de dialoguer, ils préfèrent salir ma réputation et celle de l’IRIS, en mettant en doute notre indépendance.
À l’origine, les multiples attaques dont l’IRIS et moi-même faisons l’objet remontent en fait à la publication de mon ouvrage en 2003, Est-il permis de critiquer Israël, et ont été lancées par des extrémistes agissant en défense du gouvernement israélien. Le traditionnel « payé par les Arabes » s’est mué, à partir de 2010, en « payé par le Qatar ». Ce petit pays avait en effet acquis une forte visibilité en France. C’est doublement ironique dans la mesure où certains de mes accusateurs doivent une partie de leur parcours professionnel à leur qualité d’avocats inconditionnels du gouvernement israélien et qu’il est, par ailleurs, assez évident qu’en France, critiquer ce gouvernement est davantage une source de problèmes que de gratifications. Je l’ai moi-même expérimenté à mes dépens.
Il est également simple de vérifier la cohérence de mes positions, vis-à-vis du Qatar ou de tout autre sujet. Il n’est pas anormal pour quelqu’un qui a développé le concept de géopolitique du sport de s’intéresser au Qatar. Et dans le premier article que je consacrais à ce pays, en 2004, j’y évoquais, déjà, et avant bien d’autres, le triste sort des ouvriers immigrés.
Le débat contradictoire, basé sur des faits sourcés est le propre de la vie intellectuelle. Les rumeurs calomnieuses en sont le cancer. Journalistes et universitaires pratiquent le premier ; les secondes sont le fait d’agents d’officines.