En menaçant de régler seul le problème nucléaire nord-coréen si la Chine n’exerçait pas plus de pression sur le régime du Kim Jong-un, Donald Trump a électrisé le climat international et donner une tournure encore plus dramatique au sommet bilatéral qu’il tiendra à la fin de la semaine avec le président chinois, Xi Jinping.
Trump s’est déclaré « totalement décidé à régler le problème nord-coréen » sans préciser toutefois de quelle manière. Sa déclaration et son tempérament laissent craindre que cela ne soit pas nécessairement par la voie diplomatique : cyberattaques contre la Corée du Nord ? Frappes préventives sur les installations militaires nord-coréennes ? On imagine la violence des conséquences que de telles mesures entraineraient.
La Corée du Nord n’a pas les moyens de frapper les États-Unis mais les territoires sud-coréen et japonais sont à portée de ses missiles. Lorsqu’il avait dressé un axe du mal incluant l’Irak et la Corée du Nord, Georges Bush, du fait des capacités nord-coréennes de rétention, avait bien pris garde de ne pas s’en prendre à Pyongyang afin d’éviter un affrontement aux conséquences incalculables, pires que celles liées à la guerre d’Irak. Imagine-t-ton ce qui se produirait si Pyongyang décidait par vengeance d’envoyer des missiles sur Séoul ou Tokyo ?
Contrairement à ce que pense – ou prétend penser – Donald Trump, les moyens de pression de la Chine sur la Corée du Nord sont limités de l’aveu même des dirigeants chinois. Ils ont voté à l’ONU, avec les autres membres du Conseil de sécurité des Nations unies, pour les sanctions à l’encontre du régime nord-coréen. Simplement, ils n’ont pas de prise sur Kim Jong-un. La politique de ce dernier les dessert car elle permet aux États-Unis d’accroître leur présence militaire dans la région et de déployer un système de défense antimissiles en Corée du Sud.
Les relations entre la Corée du Nord et les Chinois n’ont jamais été aussi mauvaises qu’à présent. Pékin déplore que Pyongyang n’ait pas suivi son modèle d’ouverture économique et de maintien du monopole du pouvoir par le Parti communiste. Bien sûr, les Chinois pourraient cesser d’acheter du charbon à la Corée du Nord ou l’asphyxier économiquement. Mais s’ils sont agacés par le comportement de Kim Jong-un, ils craignent un effondrement du régime aux conséquences migratoires – un afflux nord-coréen sur leur territoire – et stratégiques imprévisibles (des troupes américaines à leur frontière en cas de réunification).
Les Chinois ont conscience que les dirigeants nord-coréens n’abandonneront jamais leurs armes nucléaires : c’est leur assurance-vie. Kim Jong-un ne veut pas terminer comme Mouammar Kadhafi ou Saddam Hussein, renversés justement parce qu’ils ne disposaient pas d’armes nucléaires. L’objectif est de les amener à avoir un comportement plus prévisible. Les Chinois craignent par-dessus tout l’imprévisibilité.
Entre Donald Trump et Kim Jong-un, c’est en fait à celui qui jouera au plus fou pour faire peur aux autres : un gigantesque « retenez-moi ou je vais faire un malheur car je suis capable du pire ». Kim Jong-un croit, non sans raison, que plus il passera pour incontrôlable et imprévisible, capable dans un geste de folie de se lancer dans un affrontement, plus on lui prêtera de l’attention et on tentera de l’amadouer. Donald Trump n’est pas loin d’avoir la même attitude : il sait que son tempérament impulsif suscité la méfiance et même la peur. Il espère pouvoir faire pression à la fois sur Pékin et Pyongyang en prétendant que lui aussi peut se lancer dans des aventures aux conséquence incalculables. Chacun joue au fou pour faire peur à l’autre. Les deux n’ont aucun intérêt à franchir la ligne rouge mais à ce qu’on les croit capables de le faire. C’est une sorte de dissuasion mutuelle. Mais la dissuasion exige des nerfs d’acier et il faut souhaiter qu’il n’y ait pas de dérapage…