Macron et les questions régaliennes

Le 2 mars dernier, Emmanuel Macron dévoilait son programme. Les affaires stratégiques y sont décomposées en deux parties : Défense et International.

Partant du constat que les menaces sont désormais multiples, il souligne dans un premier temps la nécessité d’opérer un effort à la fois national et européen. Il résume la situation actuelle en trois points fondamentaux :

 

    • La France demeure une puissance militaire reconnue sur la scène internationale ;

 

    • Les forces armées françaises n’ont jamais été autant sollicitées ;

 

    • L’Europe de la défense est quasiment inexistante.

 

Il propose alors d’affecter 2% du Produit intérieur brut (PIB) au secteur de la défense d’ici 2022, de moderniser la force nucléaire française en conservant les deux composantes – aérienne et sous-marine[1]–, de conserver une force opérationnelle terrestre de 77 000 hommes et de renforcer la cyberdéfense. Il souhaite également conforter le quartier général européen (indépendant de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord – OTAN), créer un Conseil de sécurité européen pour éclairer les décideurs et activer les groupes tactiques qui n’ont jamais été déployés sur le terrain. Enfin, il propose de diminuer l’opération sentinelle et de composer une garde nationale de 80 000 hommes.

Macron soutient manifestement un effort de défense important. Il est conscient que, s’il a quelque chose à prouver, cela se situe plus sur le terrain régalien – supposé lui être moins familier – qu’économique. Sans doute veut-il dissiper l’idée d’une « citadelle Bercy », dont il est issu, fortement partisane d’une réduction des dépenses militaires.

La partie internationale met en avant l’instabilité du XXIème siècle, traversé par de nouvelles menaces mais également d’immenses opportunités.

Le premier constat est cruel : Selon Emmanuel Macron : « (…) depuis quinze ans, notre influence dans le monde a diminué (…) ce constat est tangible partout ». À l’exception du succès de la COP21, nuance-t-il. La France a perdu du terrain à Bruxelles, mais également au Moyen-Orient, en Afrique et, malgré des efforts récents, demeure peu présente en Asie, en Russie et en Amérique latine. Trois raisons expliquent ce phénomène : émergence de nouveaux acteurs ; incapacité à se réformer structurellement et retrouver une bonne santé économique ; diplomatie erratique qui a amené à la diminution de l’indépendance et du rôle de la France dans le monde. « (…) cette place singulière, cette voix différente, qui nous permet d’être une puissance d’équilibre et de dialogue, en conservant nos valeurs et les moyens de tenir nos engagements. » Il y a là des accents gaullo-mitterrandistes conjugués à la critique d’un affaiblissement d’une diplomatie autrefois plus allante.

Le programme insiste ensuite sur la compatibilité de nos intérêts et de nos valeurs, façon d’assumer la realpolitik sans renier la défense des principes. Lindépendance, si chère à notre pays, doit être mise en œuvre à la fois par une diplomatie fédératrice et mobilisatrice et la permanence de la dissuasion, clé de voûte de notre architecture de sécurité. Macron ne remet cependant pas en cause la place de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN, même si l’élection de Trump ouvre une aire d’incertitudes. En limitant les éventuels élargissements aux Balkans, à la Suède et à la Finlande, il en conserve la porte fermée pour l’Ukraine et la Géorgie. Il propose par ailleurs de limiter les interventions de l’OTAN hors zone et, plus généralement, de n’engager la France dans de nouvelles opérations militaires extérieures que si les conditions d’une sortie de crise politique sont posées. Il soutient un élargissement du Conseil de sécurité des Nations unies à l’Allemagne, au Japon, à l’Inde, au Brésil et à un pays africain.

Il se déclare favorable à une levée des sanctions à l’égard de la Russie, si les accords de Minsk sont respectés.

Son Europe est celle de la défense, construite à partir d’un noyau de pays solidaires face aux crises régionales communes, et la mise en commun des projets et des capacités. Pour lui, les conditions de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE) ne sont pas réunies. Mais la porte ne doit pas lui être fermée. « Notre voix est écoutée et respectée quand elle défend nos intérêts mais qu’elle sait aussi porter un message, regarder et agir au-delà de ces seuls intérêts. » Il préconise d’anticiper une intense pression migratoire que le dérèglement climatique, la croissance démographique, les crises et les inégalités vont provoquer. En priorité ? La création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Enfin, il se déclare en faveur d’une initiative globale européenne en vue d’un accord transversal avec la Chine.

Sur le conflit au Proche-Orient, Macron recherche les conditions d’une paix juste et durable qui permette aux deux États de coexister en sécurité. La sécurité d’Israël est pour lui un principe intangible, de même que la légitimité de l’État palestinien. Prudent, il ne précise pas plus son projet sur ce point afin de ne pas braquer les camps fortement opposés en France sur ce sujet. Mais cette ambiguïté est difficilement soutenable à terme. D’autre part, il prône la poursuite de l’ouverture vers l’Iran.

Si le principe de 0,7 % du PIB consacré à l’aide au développement est réaffirmé, il le conditionne à l’amélioration de la situation économique à l’horizon 2030.

Enfin, on remarque qu’Emmanuel Macron évite de récupérer la thèse de la « Troisième Guerre mondiale » ou de l’islamo-fascisme, sur lesquels François Fillon, candidat des Républicains, s’est récemment positionné.

Le programme international du candidat du mouvement « En Marche ! » n’est ni flamboyant ni répulsif mais sérieux et appliqué. Bien sûr, seuls des grands principes sont réellement évoqués. Dans la course à la présidentielle, il est capital pour Emmanuel Macron de montrer qu’il n’évite pas les questions stratégiques.

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[1] Quand on entend parfois proposer la suppression de la composante aérienne ou, au moins, la réduction du budget nucléaire militaire.