Lors de son élection à la présidence des États-Unis en 2008, Barack Obama avait déclaré vouloir appuyer sur le bouton « reset » des relations américano-russes : maintien du programme de défense antimissiles, intervention en Libye et crispation russe l’en ont empêché.
Donald Trump, élu à la présidence en 2016, a confessé son admiration pour Vladimir Poutine. Il pensait – à la grande frayeur des milieux atlantistes – réussir là où son prédécesseur avait échoué. Cela n’en prend pas le chemin.
Établir une nouvelle relation avec la Russie devait être le point fort de la nouvelle présidence. En fait, les choses patinent car rien se ne passe comme prévu et la Russie est plutôt un « boulet » que traîne le nouveau président. Après la démission forcée, pour contact non autorisé avec des émissaires russes au cours de la campagne électorale, de son conseiller national à la Sécurité, Michael Flynn, c’est désormais son ministre de la Justice, Jeff Sessions, qui est sous pression : les Démocrates réclament sa démission pour avoir menti au sujet de ses contacts avec l’ambassadeur russe au cours de la campagne. Bien sûr, ces derniers veulent appuyer là où ça fait mal. Le Congrès, contrairement au président élu, ne regarde pas Poutine avec les yeux de Chimène.
Au-delà, on pourrait s’étonner que de simples contacts suscitent autant de problèmes. Finalement, Jeff Sessions, sénateur, pouvait légitimement rencontrer un ambassadeur. Mais, mentir et parjurer sous-serment lors de sa confirmation, en affirmant qu’il n’avait eu aucun contact, est plus grave. Aux États-Unis, bien plus qu’en France, le mensonge est une affaire sérieuse. Être pris en flagrant délit conduit à démissionner. Or, c’est davantage le fait d’avoir eu des relations avec les Russes que d’avoir menti qui est reproché à Jeff Sessions.
Les Démocrates estiment que les Russes, en s’immisçant dans la campagne électorale, sont à l’origine de leur défaite. Cela leur permet d’occulter leurs propres erreurs de campagne et les faiblesses de leur candidate, Hillary Clinton. Sur le fond, on peut penser qu’établir des contacts avec un pays étranger important, fut-il rival, est un processus normal dans la préparation d’une élection.
L’histoire des États-Unis a montré des bassesses bien plus graves encore. On se rappelle qu’en 1980, Ronald Reagan a intrigué pour que les otages américains en Iran ne soient pas libérés, afin de faire plonger Jimmy Carter, complètement piégé par cette affaire. Effectivement, cette affaire est devenue l’une des causes majeures de la défaite de Carter et de la victoire, plutôt surprise à l’époque, de Reagan. Si on remonte plus loin dans le temps, il y eut encore pire. Richard Nixon, bien qu’il l’ait toujours démenti (ce sont des faits désormais avérés) avait œuvré pour que les Vietnamiens du Sud ne viennent pas à des négociations qui auraient pu aboutir à un accord de paix en 1968. Il ne voulait pas que le président Johnson puisse se targuer d’être à l’origine de ce succès. Hubert Humphrey, candidat démocrate contre Nixon, aurait pu bénéficier de cet accord et le priver d’un argument majeur. Ce dernier a fait capoter les accords de paix au Viêtnam, qu’il a par la suite signés lui-même comme président. La poursuite de la guerre a entraîné des victimes supplémentaires, ce qui est hautement plus dramatique que la dissimulation de contacts avec l’ambassadeur d’un pays, rival ou non.