Lors des débats des Primaires, pour la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle, Benoît Hamon s’est exprimé en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien. Cela a suscité de nombreux commentaires critiques, dénonçant une position politique jugée communautariste, terme destiné à le disqualifier.
Élu de Trappes, où réside une forte communauté arabo-musulmane, Benoît Hamon est accusé d’avoir opéré un choix de complaisance plutôt que de principe à l’égard de ses électeurs. Trahirait-il les principes d’un élu de gauche, pour des raisons purement électoralistes ? Une grande partie de ses électeurs sont solidaires de la cause palestinienne. Tout comme une grande partie doit soutenir une politique plus sociale par une redistribution des richesses plus équitable. Mais, s’il se prononce en faveur de telles mesures, on ne va pas lui reprocher d’être électoraliste ou communautariste. S’il s’exprime pour la reconnaissance d’un État palestinien, oui. Pourquoi dans un cas et pas dans l’autre ? Reconnaître la Palestine serait-il injustifié sur le plan du droit international, du respect des droits humains ou du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Bien sûr que non. L’anomalie ne réside pas dans la demande de reconnaissance des droits des Palestiniens mais dans le fait qu’elle n’a toujours pas été mise en œuvre, sans que cela ne soit assortie d’aucune sanction envers le gouvernement de l’État qui l’entrave. La Russie annexe la Crimée avec l’assentiment (juridiquement contestable) de sa population. Les Occidentaux mettent en place un régime de sanctions. Israël annexe Jérusalem-Est contre la volonté de ses habitants et ils ne font rien.
Lorsque par exemple le député Claude Goasguen prend des positions très favorables à Israël, défend son gouvernement, même lorsque celui-ci s’écarte du respect du droit international, nul ne vient l’accuser d’agir par communautarisme. De même, lorsque le député Meyer Habib prend des positions caricaturales, y compris hostiles à celles du pays dont il est l’élu. Lorsque Christian Estrosi s’insurge contre la résolution 2334, qui condamne la colonisation israélienne des territoires palestiniens, est-ce pour plaire à un électorat communautaire ou le fruit d’une réflexion juridique aussi pointue qu’inédite ? Lorsque des responsables politiques, de gauche comme de droite, reprennent à leur compte les éléments de langage de Tel Aviv sur le conflit israélo-palestinien, est-ce à partir d’un raisonnement stratégique approfondi, ou par crainte de s’attirer les foudres du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) et autres organisations associées ? Mais nul ne parle alors de communautarisme.
Il y a quelque chose d’assez ironique dans les accusations portées contre Benoît Hamon. Ceux qui sont les plus actifs à dénoncer son « communautarisme » sont pour leur part viscéralement attachés, par solidarité communautaire, à la défense du gouvernement israélien, quoi que fasse ce dernier.
Benoît Hamon ne fait que reprendre une position basée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le respect du droit international. C’était de plus une promesse non tenue de la campagne électorale de François Hollande en 2012. Reconnaître la Palestine était en effet un des soixante engagements de ce dernier. Il ne l’a pas tenu, pour des raisons sur lesquelles il ne s’est jamais exprimé pas plus qu’il n’a été interrogé. La reconnaissance de la Palestine a déjà été opérée par cent-trente-sept États. Parmi les pays occidentaux, la France a a toujours été en pointe dans la reconnaissance des droits des Palestiniens.
Cette dénonciation à sens unique vise en fait à empêcher les responsables politiques français de s’exprimer en faveur des droits des Palestiniens. Elle fonctionne très efficacement car beaucoup, à droite comme à gauche, craignent de le faire ouvertement.[1]
Mais le plus époustouflant dans l’affaire est de constater comme il est facile, dans le débat public, de transformer une contrevérité martelée plusieurs fois en évidence contre laquelle il est difficile de s’opposer.
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[1] Pour se défendre de ces accusations, Benoît Hamon, une fois officiellement investi candidat, a reçu le président du CRIF et s’est rendu, le 22 février, à son dîner annuel. Nul n’évoque alors son « communautarisme ».