Interview de Pascal Boniface pour France info
La presse allemande estime aujourd’hui que l’UEFA a plié face à Viktor Orban. Est-ce le cas ?
Très partiellement, parce qu’elle permet par exemple au gardien et capitaine de l’équipe d’Allemagne d’avoir un bracelet portant les couleurs arc-en-ciel. L’UEFA avait peur d’avoir d’autres demandes et les instances sportives FIFA, UEFA, Comité olympique sont toujours un peu prudentes, voire frileuses concernant des demandes qui pourraient venir sur de nombreux sujets. Ceci étant, l’UEFA n’est pas inactive face à la Hongrie, puisque, très certainement, elle pourrait être sanctionnée pour des cris homophobes et des cris racistes qui auraient été entendus lors du match Hongrie-France de samedi dernier. Il était question de délocaliser les demi-finales et la finale de Wembley de Londres à Budapest du fait des problèmes sanitaires existant en Angleterre. C’est terminé. Il n’y a plus de possibilité que l’on déplace la finale et les demi-finales à Budapest, donc c’est une première sanction. Et puis, il faudra voir ce à quoi conduit l’enquête par rapport aux incidents très nets qui ont été remarqués samedi dernier.
Et en même temps, n’y a-t-il pas une forme de frilosité assez récurrente du côté de ces grandes institutions sportives dès qu’on parle des sujets touchant aux discriminations, au racisme notamment ?
C’est vrai, il y a une contradiction. Même si l’UEFA fait de nombreux efforts parce que dans le milieu du sport les cris racistes sont sanctionnés dans le stade. Disons qu’il y a une prise de conscience tardive. Et je pense que le milieu du sport n’est quand même pas réellement en retard par rapport au phénomène du racisme. Disons que là où il y a une frilosité, c’est que les instances sportives qui s’affichent apolitiques, ce qui est bien sûr une hypocrisie parce que le sport est politique par nature et par tradition, ont peur qu’il y ait des manifestations sur tous les sujets. Je pense très honnêtement, que par rapport à l’homophobie il y a un retard parce que les instances sportives ont mis très longtemps à réaliser qu’il y avait de l’homophobie dans le sport. S’agissant de la lutte contre le racisme, il y a un effort beaucoup plus ancien, tout simplement parce que de nombreux joueurs sont concernés. Et les sanctions sont nettement plus sévères.
Lutter contre le racisme ou l’homophobie, est-ce un positionnement politique ? Afficher les couleurs arc-en-ciel sur le stade, est-ce prendre position ?
Oui, en l’occurrence, c’était prendre position contre la Hongrie très nettement. Et cela peut se comprendre. L’UEFA a permis au stade de Munich d’être éclairé à d’autres occasions que ce match contre la Hongrie. Effectivement, il aurait pu prendre plus fermement parti contre la Hongrie. J’attends ce qui résultera des enquêtes sur le match de samedi pendant lequel les faits se sont déroulés dans les enceintes sportives, il y a eu des cris racistes, des insultes homophobes. Les milieux intellectuels sont assez prompts à montrer du doigt les milieux sportifs pour dire qu’ils ne font pas assez sur tel ou tel sujet. Mais si l’on compare franchement ce que fait le sport en matière de lutte contre le racisme, je pense qu’il n’a pas à rougir.