Tribune de Pascal Boniface dans Le Drenche
« Le droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU est régulièrement mis en accusation. On lui reproche d’être la source de blocage de l’organe en charge de la sécurité internationale et du maintien de la paix. Et par conséquent d’empêcher de mettre fin aux conflits qui ensanglantent la planète. C’est du fait de son utilisation qu’il n’est pas possible de mettre en place des sanctions contre les principaux contrevenants à l’ordre international. Ce sont d’ailleurs souvent les pays qui en disposent qui commettent le plus d’interventions militaires illégales et ils l’utilisent le plus souvent pour protéger leurs alliés, coupables de politiques juridiquement répréhensibles.
La seule fois où il n’a pas été utilisé pour bloquer une action impliquant l’usage de la force, ce fut lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, l’Union soviétique de Gorbatchev ayant préféré jouer le respect de la loi internationale au détriment de la protection de son allié irakien qui avait envahi le Koweït. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Gorbatchev n’a pas été payé en retour puisque quelques mois après, les États-Unis lui refusaient l’aide économique qu’il demandait pour sauver la Perestroïka.
En réalité, le droit de veto n’est plus jamais utilisé par le Royaume-Uni et la France, il l’est avant tout et surtout par les États-Unis et la Russie. Les États-Unis s’en servent principalement pour protéger Israël de toute sanction ou même pression et la Russie s’en sert en cette période surtout pour protéger son allié syrien, y compris quand le régime commet des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. La Russie s’était abstenue lors de la résolution organisant une intervention militaire en Libye censée protéger la population et qui a abouti à un changement de régime. Elle le regrette aujourd’hui.
C’est la perspective d’un veto chinois qui a rendu le Conseil de Sécurité prudent par rapport à la Birmanie. Mais quand on critique le droit de veto, on se trompe de cible. Parce que sans lui, l’ONU n’existerait tout simplement pas.
Dès sa création, il aurait été impossible pour les puissances d’entrer dans un système où elles auraient pu être mises en minorité. On confond les faits et la cause. La cause de la puissance du Conseil de Sécurité n’est pas le droit de veto, mais la division des pays membres et surtout de ses membres permanents.
Malheureusement, les espoirs d’un nouvel ordre mondial célébré lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, dans lequel on espérait que l’ONU accomplirait l’esprit de ses créateurs, se sont effondrés. »