Retrouvez mon interview accordée à Daniel Hourquebie pour la Dépêche du Midi ici >>>
Hier presque au bord de la guerre nucléaire avec les Etats-Unis, aujourd’hui spectaculaires retrouvailles entre les deux Corées. Où est le sérieux, où est le théâtre ?
La position théâtrale, c’est plutôt quand les deux camps présentent comme possible un affrontement militaire. La Corée du Nord n’a aucune envie d’attaquer ses voisins car l’objectif du régime est de rester au pouvoir et une guerre qu’elle perdrait signifierait la fin du régime. Les Etats-Unis, n’ont pas davantage envie d’attaquer la Corée du Nord car s’ils sont sûrs de gagner, le conflit leur causerait des dommages irréversibles ainsi qu’à la Corée du Sud et au Japon avec des missiles qui peuvent atteindre Séoul et Tokyo. Les menaces verbales de Trump ne sont pas sérieuses… Les rencontres, c’est donc du sérieux. mais il ne faut pas penser pour autant que si la Corée du Nord participe aux JO, cela conduira à une paix durable et éternelle. Il s’agit d’une trêve, une trêve bienvenue mais qui ne résout pas les problèmes de fond. En revanche, la Corée du Sud obtient la garantie que ses Jeux pourront se dérouler en toute sécurité. Et la Corée du Nord espère ainsi apparaître comme un pays comme un autre…
Justement, les Jeux Olympiques se retrouvent au cœur des négociations, cela n’étonnera pas l’auteur du livre «JO politiques»…
Effectivement ! Cela a toujours été le cas : les Jeux Olympiques sont de véritables instruments géopolitiques. Soit négatif quand un pays décide de les boycotter et la Corée du Nord justement s’est tenue à l’écart des JO de Séoul en 1988. Soit un instrument positif, c’est le cas cette fois, avec une Corée du Nord qui prend prétexte des JO pour procéder à un rapprochement diplomatique compliqué. Tous les yeux du monde seront fixés sur leur délégation. Leurs athlètes défileront-ils avec ceux du Sud comme cela a été le cas par le passé ?
Au-delà du moment des rencontres sportives, a-t-on des exemples de réussite durable provoquée par la «diplomatie du sport» ?
L’organisation des Jeux Olympiques par la Corée du Sud en 1988 a été un ferment de démocratisation de ce pays, on peut même dire que leur organisation a empêché un coup d’Etat militaire. Parmi les réussites durables, on cite souvent la «diplomatie du ping-pong» entre les Etats-Unis et la Chine. L’envoi en 1971 d’une délégation pongiste américaine à Pékin rompt avec le climat de défiance réciproque entre les deux pays. La délégation revient aux Etats-Unis avec un message d’amitié, les deux géants cherchent à se rapprocher et le secrétaire d’Etat Kissinger se rend en Chine juste après…
Peut-on espérer une évolution semblable post-JO entre les deux Corées ?
Il ne faut pas rêver. JO ou non, ce n’est pas pour cette participation que la Corée du Nord renoncera à son programme nucléaire, garantie de survie du régime. Mais on peut espérer que l’agressivité verbale retombera et que de nouveaux liens se noueront…