La procédure d’impeachment lancée contre Dilma Rousseff a passé la première étape devant la chambre des députés par 367 voix contre 137, lors d’un vote spectaculaire. La séance, retransmise en direct à la télévision a permis de voir chaque député venir à la tribune expliquer publiquement son vote. Pour faire « place nette », les matchs de football, qui ont lieu traditionnellement le dimanche, avaient été avancés par son diffuseur O Globo à samedi. Les groupes de médias détenus par les grandes fortunes sont viscéralement opposés à Dilma Rousseff. Mais celle-ci est devenue impopulaire dans tout le pays. La crise économique (le PIB a chuté de 3,8% en 2015) a fragilisé la situation des classes moyennes et les acquis sociaux obtenus sous Lula sont remis en cause. Élue sur un programme de gauche, Rousseff a mené une politique libérale qui a troublé ses partisans.
Le paradoxe est que si le pays est, comme d’autres, très sensibilisé à la question de la corruption, Dilma n’est pas accusée de s’être enrichie personnellement. On lui reproche d’avoir maquillé les comptes de la Nation pour faciliter sa réélection.
Plus de la moitié des députés qui ont voté contre elle font l’objet de poursuites judiciaires à propos de cas de corruption, voire de délits de droit commun. Dans un système institutionnel difficilement gérable – il y a vingt-cinq partis différents qui sont représentés au Parlement – les coalitions se défont facilement. À l’approche des élections législatives, les parlementaires ne souhaitaient pas voir leur nom associés à celui de Rousseff. Le vice-président, Michel Temer, sur le même ticket que Rousseff et encore moins populaire, est accusé directement de corruption. Le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha, qui a organisé la procédure, est considéré comme un véritable bandit et dispose d’au moins 5 millions de dollars sur des comptes offshore. Mais il ne peut institutionnellement n’être jugé que par la Cour suprême.
Dilma Rousseff n’a pas tort de dire que son procès est en réalité un procès politique. Mais elle n’a pas vu venir le tournant de la crise et n’a pas pris les mesures nécessaires. Ceux qui s’opposent à elles sont surtout les blancs et les classes les plus favorisées, excédés par la politique du Parti des travailleurs (PT), notamment l’octroi de droits aux employés de maison qu’ils utilisent en grande quantité. Le pays ne supporte plus la corruption et cela suscite un rejet général de la classe politique.
On ne sait pas encore si Temer va pouvoir assurer jusqu’à la prochaine élection présidentielle prévue en 2018, ou si l’ensemble de l’élection de 2014 sera remis en cause rendant nécessaire l’organisation d’une élection anticipée. Lula, dont le fils est mis en cause et qui lui-même est soupçonné d’avoir tiré des avantages personnels de grands groupes brésiliens, reste néanmoins l’homme politique le plus populaire (ou le moins impopulaire) et pourrait remporter cette prochaine élection
La crise économique, mais aussi la crise politique, viennent altérer le poids international du Brésil. Il est vrai que Dilma Rousseff était moins intéressée par la politique étrangère et par le rôle du Brésil dans le monde que ne l’était Lula.
Mais il faut distinguer l’étape actuelle très critique pour le pays et la tendance à long terme. Pour le Brésil, le poids et les atouts du pays n’ont pas disparu et il est appelé à jouer un rôle important : on ne reviendra pas à la situation des années 80 ou 90 ou sur l’émergence du Brésil.
De même, il n’y a pas de crainte excessive pour les Jeux olympiques de Rio qui vont s’ouvrir le 5 août 2016. Certes, si le Comité international olympique devait prendre aujourd’hui une décision, il ne les attribuerait pas à Rio. En 2009, lorsque les Jeux ont été gagnés contre Chicago, dont le projet était défendu par Barack Obama au summum de sa popularité mondiale, le Brésil était sur une pente ascendante, sur fond de justice sociale et développement international, que rien ne paraissait devoir entraver. Mais même si le Brésil tire moins d’avantages des JO qu’il pouvait l’espérer, ceux-ci seront une occasion d’être au centre du monde. Les manifestations qui ont eu lieu avant la Coupe du monde 2014 n’ont pas empêché le bon déroulement de celle-ci (le pays entier reste néanmoins traumatisé par la défaite 7 à 1 en demi-finale contre l’Allemagne). Les JO vont bien se dérouler, les infrastructures sont prêtes. Ils ont été l’occasion de modifier positivement le paysage urbain de Rio. Ils vont être l’occasion de redonner de l’espoir et de la fierté aux Brésiliens.