Professeur émérite de l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense/EconomiX, Philippe Hugon est directeur de recherche à l’IRIS et membre de l’Académie des sciences d’outre-mer. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage « Géopolitique de l’Afrique », aux éditions Armand Colin.
Vous évoquez des Afriques contrastées. En quoi le sont-elles ?
L’Afrique est une au niveau de l’Union africaine (UA) et dans la conscience des Africains d’appartenir à un même continent qui a connu une histoire coloniale. Mais elle est le continent le plus varié du monde, tant sur le plan climatique, environnemental, que social et politique, voire économique et démographique. Certains traits communs concernent certes les 54 États africains, comme l’économie de rente, les pouvoirs politiques personnalisés, le poids des référents identitaires par rapport à une conscience nationale. Mais les régimes démographiques sont très contrastés entre l’Afrique du Nord et australe d’une part et l’Afrique tropicale de l’autre. Certaines économies connaissant une forte croissance depuis les indépendances (Botswana, Maurice) alors que d’autres ont régressé (Madagascar, Zimbabwé). Certaines puissances émergent comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie ou le Nigeria, tandis que certains États sont enclavés ou en conflits (comme la Somalie, le Sahel ou les deux Soudan).
Les réseaux sociaux sont-ils devenus un facteur géopolitique en Afrique et, si oui, de quelle manière ?
L’Afrique est caractérisée par des jeux de puissances étatiques mais également par des réseaux transfrontaliers qui contribuent au soft power. Les réseaux économiques et financiers sont liés aux firmes transnationales et aux diasporas. Les réseaux socio-politiques correspondent à des ensembles ethno régionaux qui débordent les frontières nationales. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) conduisent à l’accession à des informations mondialisées mais également à des réseaux sociaux qui permettent à la fois le recrutement de jeunes djihadistes et les mobilisations de jeunes contre les Présidents à vie, par exemple.
Peut-on dire que l’Afrique est le continent qui représente l’avenir de la mondialisation ?
Certains « afro optimistes » définissent l’Afrique comme la nouvelle frontière de l’économie mondiale, la Chine de demain ou un futur eldorado. D’autres « afro pessimistes » y voient l’illustration des « trois Parques mortelles » de Malthus : les guerres, les épidémies et les famines.
De manière plus réaliste, il convient d’analyser les opportunités, risques et défis d’un continent et d’États contrastés, en pleine ébullition, qui, tel un volcan, apporte fertilité, créativité et vulnérabilité. L’Afrique doublera de population d’ici 2050 pour arriver à environ 2 milliards d’habitants, soit plus de 20% de la population mondiale, avec un poids croissant de la jeunesse. Celle-ci peut, selon les stratégies suivies, constituer un levier du développement ou une bombe à retardement. Certaines zones s’intègreront au « système monde » alors que d’autres seront marginalisées.