Donald Trump et droit international : un Far West mondial ?

Habituellement, un président américain qui prend ses fonctions se demande comment gérer le système international. Donald Trump, lui, se demande pourquoi il devrait en tenir compte. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, il n’a cessé de lui porter des coups. Menace de réoccuper le canal de Panama, de prendre possession du Groenland (qui appartient au Danemark), de faire du Canada le 51e État des États-Unis… Il fait peu de cas du respect de la souveraineté des autres États, y compris de ses alliés. Vider Gaza de ses habitants – un nettoyage ethnique, donc un crime contre l’humanité – lui paraît une bonne idée. Il supprime l’USAID, mettant fin brutalement à de nombreux programmes humanitaires.

Dernier coup de boutoir en date, le décret présidentiel pris le 6 février à l’encontre de la Cour pénale internationale, une véritable déclaration de guerre au droit international. On sait que Washington a toujours eu une attitude ambivalente à ce sujet. Les institutions internationales existantes ont été créées à leur initiative après 1945, mais les États-Unis ont souvent été les premiers à vouloir s’exonérer de leurs obligations. « Multilatéralistes, si nous pouvons, unilatéralistes si nous devons » proclamait déjà Bill Clinton, pourtant considéré comme un président très multilatéraliste. La puissance aime rarement être contrainte, et les États-Unis sont la première puissance mondiale depuis 1945. Mais ils estimaient qu’un cadre juridique international était gage de stabilité, de relations plus pacifiques et régulées, et donc dans leur intérêt.

Le décret de Donald Trump prévoit l’interdiction d’entrer aux États-Unis pour les dirigeants, employés et agents de la Cour pénale internationale ainsi que pour leurs proches, le gel de leurs avoirs détenus aux États-Unis et l’extension des sanctions à toute personne considérée comme ayant apporté son aide aux travaux d’enquête de la CPI, ce qui peut concerner des citoyens américains.

La motivation est claire, la CPI est accusée d’avoir engagé des actions illégales et sans fondements contre les États-Unis et leur proche allié Israël. Le mandat d’arrêt émis à l’encontre de Benyamin Netanyahou et les enquêtes concernant les crimes de guerre présumés commis par des soldats américains en Afghanistan sont la cause de cette décision.

Lorsque la Cour pénale internationale avait ouvert une enquête sur les agissements américains en Afghanistan, Barack Obama avait protesté. Et lorsque Donald Trump était arrivé au pouvoir en 2017, il avait décrété des sanctions contre la CPI. Ces sanctions avaient été levées par Joe Biden. Les États-Unis avaient par ailleurs approuvé le mandat d’arrêt émis à l’encontre de Vladimir Poutine concernant les crimes commis par la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine. Une attitude problématique de la part des États-Unis, puisqu’elle souligne un double standard : Washington peut soutenir la CPI lorsqu’elle inculpe Vladimir Poutine ou des dirigeants africains, mais la sanctionner si elle inculpe Benyamin Netanyahou.

Pour les pays européens, qui se disent attachés au droit international et à la CPI, cette décision de rétablir des sanctions à l’encontre de la Cour représente un défi important. Ils sont partagés entre leur soutien à Israël, leur alliance avec les États-Unis et leurs déclarations d’attachement au droit international et aux valeurs universelles.

Sûr de son bon droit, ou plutôt de sa force, car le droit n’a rien à voir avec cela, Donald Trump considère même comme illégale une mesure qui s’oppose aux intérêts américains. C’est une négation du droit international qui est par principe le même pour tous. Donald Trump veut s’en exonérer, car il considère que le droit est une entrave à la souveraineté des États-Unis et l’expression de leur puissance. Modestement, mais régulièrement, le droit avait commencé à encadrer la vie internationale, réduisant le niveau de violence et les atteintes aux droits humains. Donald Trump veut revenir à une sorte d’état de nature dans lequel chacun fait ce qu’il veut et donc où les plus puissants sont libres d’agir sans contrainte et sans réserve, et où les plus faibles n’ont d’autre choix que de subir ce que les grandes puissances leur imposent. Bref, revenir à un état sauvage de la planète, une sorte de Far West planétaire, où le mieux armé a raison.

Si les États-Unis s’exonèrent du respect du droit international, de la charte des Nations Unies, pourquoi les autres pays s’en embarrasseraient-ils ? Pourquoi la Chine ne récupèrerait-elle pas, y compris par la force, Taïwan ? Et toutes les autres puissances, moyennes ou petites, pourront également se sentir les mains libres, profitant de l’inattention générale de la communauté internationale.