Chronique géopo du 10 janvier 2023 – Chaque semaine, j’analyse dans une chronique de quelques minutes un fait d’actualité internationale ou une tendance géopolitique.
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Le 8 janvier, une semaine exactement après l’investiture de Lula, des partisans de l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro ont tenté de prendre possession des lieux institutionnels du pouvoir à Brasilia. Ils ont rapidement été délogés par les forces de sécurité. Mais cet épisode est troublant et marque de la part de ceux-ci un refus évident et de la victoire électorale de Lula et donc de la démocratie. Cet évènement n’est pas sans rappeler la tentative de prendre d’assaut le Capitole par des partisans de Donald Trump il y a deux ans aux États-Unis avant l’investiture du président Joe Biden, également dans un contexte de refus du résultat électoral. Dans les deux cas, ceux qui ont été défaits estiment que l’élection a été truquée et volée, alors qu’il n’y a aucun élément matériel en faveur de ces théories. Ce refus de reconnaître le résultat des urnes, de l’alternance, témoigne d’une société profondément divisée dans laquelle les partisans de chaque camp ne sont plus en état de se parler, voire d’accepter l’autre.
S’agit-il d’une insurrection ? Non, une insurrection intervient pour renverser une dictature. Aussi bien aux États-Unis qu’au Brésil, le président a été élu dans des conditions incontestables. Ce n’est pas non plus un coup d’État militaire, puisque ce sont les civils qui tentent de prendre de force le pouvoir : une sorte de coup d’État civil, pardonnez-moi cet oxymore. On notera que la période des coups d’État militaires en Amérique latine est révolue, car il n’y a plus de soutien à Washington pour cela. Mais que se serait-il passé si Donald Trump avait été au pouvoir ?
À l’échelle plus globale, on constate que la démocratie est profondément en crise. En Afrique, on voit le retour des coups d’État, venant mettre fin à une période constante de démocratisation du continent. La Chine et la Russie, ces deux géants connaissent une crispation autoritaire, rendue encore plus forte en Russie du fait de la guerre qu’elle mène en Ukraine. En Inde, il y a également de plus en plus de restrictions de liberté. En Europe, berceau de la démocratie, les démocraties dites « illibérales », les gouvernements issus des urnes qui viennent restreindre les libertés, prolifèrent.
On entend beaucoup de dénonciations du « populisme » après ces évènements. Mais encore faut-il nommer exactement et savoir ce que l’on entend exactement derrière ce mot valise. Et il ne faudrait pas se contenter de dénoncer les effets pour ne pas réfléchir aux causes. On s’aperçoit en réalité que ceux qui tentent ces démonstrations de force ne croient plus à la parole officielle et mettent sur un pied d’égalité mensonges et vérités. Il y a de plus en plus le triomphe du mensonge. Aux États-Unis, quelqu’un qui aurait menti aurait été auparavant disqualifié de la vie publique, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Il faut réfléchir à cela, tout comme il faut réfléchir au fait que les démocraties ont trop souvent oublié les aspects sociaux et sont restées impuissantes et/ou passives face à l’accroissement des inégalités. On a oublié le social. Les démocraties doivent également être des démocraties sociales si on veut qu’elles s’enracinent et elles doivent ne plus accepter, comme elles le font passivement, le mensonge comme mode d’action.
La devise du Brésil c’est ordre et progrès, ceux qui arboraient les couleurs du Brésil pour prendre le Congrès ce 08 janvier ne respectaient ni l’un ni l’autre, et auraient fait beaucoup de tort à leur pays s’ils avaient réussi.