Dans cette série de cinq articles, j’aborde au fil de l’eau les mémoires de Barack Obama, Une terre promise, parues aux éditions Fayard le 17 novembre 2020.
Ce gros pavé de 840 pages est d’une lecture exigeante, mais jamais ennuyeuse. On entre vraiment au cœur de la Maison-Blanche : des tractations politiques aux difficultés à faire passer une loi, des négociations sans fin au parcours personnel de l’ancien Président, l’ouvrage est absolument passionnant.
Les mémoires sont généralement plutôt publiées pour chanter les louanges de celui qui les écrit. Barack Obama ne déroge pas à la règle et cherche à convaincre, à montrer comment il a essayé de changer les États-Unis. Mais la part de sincérité est supérieure à la moyenne de ce type d’exercice.
On imagine aisément le caractère tout à fait particulier dont il doit être doté pour être devenu président des États-Unis. Son père, de nationalité kenyane, a rapidement quitté sa mère après sa naissance. Celle-ci a eu deux enfants avec deux personnes différentes et qui n’appartenaient pas au même groupe ethnique et racial qu’elle. C’était donc une femme de caractère, surtout pour l’époque. Barack Obama a passé son enfance à Hawaï puis en Indonésie. Il a donc dès les premières années de sa vie été sensibilisé aux enjeux de la diversité. Il reconnait qu’il a eu une adolescence pas tout à fait focalisée sur le travail, qu’il aimait bien faire la bamboche. Il s’est ensuite mis au travail, est devenu travailleur social à Chicago et a rencontré sa femme Michelle.
Il aborde évidemment la question de sa vie de famille avec sa femme et ses deux filles. Nombreux sont les hommes politiques qui mettent en avant leur amour des valeurs familiales dans un objectif électoral alors qu’elles sont loin de constituer une priorité pour eux. Chez Barack Obama, on sent une réelle sincérité : tout au long de son parcours, y compris à la Maison-Blanche, Barack Obama a toujours eu pour priorité de protéger sa vie familiale, sa relation avec ses enfants. Ainsi, il interrompait quotidiennement sa journée de travail à 18h30 pour dîner avec ses filles et Michelle pour maintenir avant tout un équilibre familial.
On connaît le charisme d’Obama, on connaît son intelligence hors norme. Ce qui frappe aussi c’est son courage. Alors qu’il n’est pas encore élu sénateur, mais simplement élu à la Chambre de l’Illinois, il s’oppose à la guerre d’Irak dès 2002. S’opposer à la guerre d’Irak tout en s’appelant Barack Hussein Obama, en étant métis et régulièrement soupçonné de ne pas être tout à fait Américain dans l’ambiance ultra patriotique, chauvine et nationaliste de l’époque, est on ne peut plus courageux en plus d’être lucide.
Lors de la campagne des primaires démocrates qui va conduire à sa désignation en tant que candidat, il n’est au départ pas du tout favori, c’est vraiment une surprise qu’il puisse remporter la nomination. Il est alors interrogé sur le fait de savoir s’il accepterait de rencontrer des dictateurs, des despotes comme Castro ou le leader nord-coréen. Barack Obama répond par l’affirmative, estimant qu’il faut pouvoir négocier avec quelqu’un avec qui on est en désaccord. Hillary Clinton, son opposante de l’époque, et tout le camp, y compris démocrate, favorable à l’hégémonie libérale lui tombe dessus en dénonçant sa naïveté et en affirmant qu’il ne serait ainsi pas en mesure de défendre les États-Unis.
Tout au long du livre, Barack Obama constate et s’interroge sur les difficultés auxquelles il a été confronté pour faire passer des réformes et réussir à dépasser les blocages politiques sans trahir ses idéaux. La question qui l’occupe principalement lors de son mandat est celle de savoir comment améliorer la vie des citoyens, raison pour laquelle il a été élu pour cela. Il est élu sur un programme social dont fait partie l’Obamacare, mais aussi pour sortir le pays de la profonde crise économique déclenchée en 2008. Il admet d’ailleurs que c’est au moment où la crise est survenue que les choses ont basculé en sa faveur contre McCain.
Lorsque le 9 octobre 2009, tôt le matin, Barack Obama est réveillé à 6 heures du matin par son assistant qui lui annonce qu’il vient de remporter le prix Nobel de la paix, Barack Obama l’interroge d’un « Pourquoi ? ». Effectivement, lui-même sent que c’est prématuré, mais cette distinction témoigne des immenses espoirs qu’il avait soulevés parce qu’il voulait mettre fin aux guerres déclenchées par George Bush, même s’il n’a pas pu appliquer tout son programme en la matière.
Son combat pour le climat est également un passage important, j’y reviendrai. Il raconte dans les détails le sommet de Copenhague de 2009 et les tractations entre les pays sur les sujets climatiques. Il écrit à ce propos « le réchauffement climatique est un problème face auquel les gouvernements sont notoirement mauvais, car il exige la mise en œuvre immédiate de politiques neuves, coûteuses et impopulaires afin de prévenir des crises futures. » Et cela résume finalement tout le dilemme d’Obama qui fut plutôt un président du « long terme », mais qui dut faire face à des contraintes de court terme concernant le climat, l’Obamacare ou encore les conflits extérieurs.
En période de confinement, cet ouvrage, qui constitue une réflexion profonde à la fois sur l’homme et sur la société, l’ouvrage d’un homme d’État qui a dû faire face à de nombreuses contraintes et difficultés, est extrêmement stimulant intellectuellement.
Cet article est également disponible sur Mediapart Le Club.