La présidente de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Noémie Madar, a envoyé un courrier à plusieurs membres du conseil d’administration de l’IRIS intitulé « Banalisation par l’IRIS de l’assassinat antisémite d’Ilan Halimi ». Tout simplement.
La lettre fait référence à mon livre, La France malade du conflit israélo-palestinien. Il a été publié en…2014 ! Pourquoi cette indignation à retardement ? Quelles en sont les motivations réelles ?
Dans ce livre, je ne nie évidemment pas la dimension antisémite de l’assassinat d’Ilan Halimi. Je le place dans un contexte global de barbarie, comme l’avaient fait à l’époque de nombreuses personnes que je cite, dont le médiateur du Monde et Théo Klein. Aucun d’entre eux n’a fait l’objet, à l’époque ou aujourd’hui, de la vindicte de l’UEJF.
C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’une stèle d’hommage à Ilan Halimi a été installée à Bagneux, portant l’inscription « victime de la barbarie, de l’antisémitisme et du racisme ». Que je sache, l’UEJF n’a pas dénoncé cette plaque commémorative pour « révisionnisme ».
La thèse centrale de mon livre était de déplorer l’importation du conflit israélo-palestinien en France, notamment en criminalisant la critique politique du gouvernement israélien en l’assimilant à de l’antisémitisme. Je reprochais également à certaines instances communautaires de faire de l’appréciation de la politique du gouvernement israélien un élément majeur de clivage entre les Français. Je soulignais que la lutte contre l’antisémitisme était pour certains conditionnée par la non-critique du gouvernement israélien, car on refusait le concours, dans la nécessaire lutte contre l’antisémitisme, de ceux qui émettaient des critiques à l’égard de ce dernier.
L’UEJF me reproche d’autre part d’avoir publié l’article d’un universitaire australien. L’auteur s’y étonnait du silence qui accompagnait les multiples attaques dont j’étais la cible depuis 2001. Cet article n’a pourtant rien de répréhensible et relève du débat d’idées, comme pourront le constater ceux qui voudront le lire. Je note d’ailleurs que l’UEJF m’approprie les propos de ce chercheur australien, peut-être ont-ils mal lu l’article ?
Nul n’est dupe et chacun comprend que ce sont mes positions critiques à l’égard du gouvernement israélien qui sont ici en cause. Et tout en condamnant l’importation de ce conflit en France, l’UEJF y participe largement.
Au-delà de cet aspect malheureusement banal, il y a un problème plus grave : quelles sont ces méthodes utilisées par l’Union des étudiants juifs de France ? Cette association me reproche de considérer les juifs comme une puissance d’influence. Mais que fait-elle en demandant aux membres du conseil d’administration de l’IRIS de démissionner, en les menaçant à défaut de réponse de publier la lettre espérant ainsi leur faire peur et les amener à s’y résoudre ? Quelles sont ces méthodes consistant à ne pas s’adresser directement à celui auquel les responsables de l’UEJF ont d’éventuels reproches à formuler, mais plutôt à utiliser dans son dos menaces et chantage ?
L’UEJF semble persuadée de sa propre puissance et de la crainte qu’elle peut inspirer en appelant solennellement les membres du conseil d’administration de l’IRIS à se démarquer de moi en démissionnant, faute de quoi ce courrier serait rendu public.
Qui un jour procèdera à une enquête sur l’ensemble des actions qui ont été menées depuis 2001 pour tenter de me réduire au silence et aller jusqu’à chercher à faire disparaître un centre de recherche reconnu nationalement et internationalement, ayant près de 40 salariés, parce que les positions de son directeur sur le conflit israélo-palestinien déplaisent ? Qu’est-ce que cela signifie en termes d’enjeu et de pratiques démocratiques ? Car, au-delà de mon cas personnel et de celui de l’IRIS, il y a un enjeu essentiel d’exercice de la liberté d’expression en France sur le conflit israélo-palestinien et de résistance face aux propagateurs de haine qui déforment et manipulent les propos de ceux qui ne partagent pas leurs vues pour mieux s’en scandaliser.
Ci-dessous, la lettre envoyée par l’UEJF à certains membres du conseil d’administration de l’IRIS.