Alors que la responsabilité directe ou indirecte de l’Iran dans les bombardements d’infrastructures pétrolières saoudiennes semble incontestée, Donald Trump écarte la possibilité d’une intervention militaire contre l’Iran. Il l’avait déjà fait après que l’Iran eut abattu un drone américain. Et il vient de démettre de ses fonctions John Bolton, partisan lui de la guerre contre l’Iran. D. Trump engageait par ailleurs des négociations avec les talibans, dans l’espoir qu’un accord de paix puisse permettre le retrait des troupes américaines d’Afghanistan et mettre ainsi fin à la plus longue guerre jamais menée par les États-Unis. D. Trump ne serait donc pas le va-t-en-guerre décrit par certains ?
Au cours de la campagne électorale pour les élections présidentielles de 2016, Hillary Clinton avait mis en garde les électeurs américains sur le risque de confier l’arsenal nucléaire américain à Donald Trump, sous-entendant qu’il serait capable de déclencher une guerre nucléaire par absence de contrôle de soi.
Les déclarations brutales et à l’emporte-pièce de ce dernier font toujours craindre qu’il ne déclenche une nouvelle guerre, en privilégiant aujourd’hui la politique de force et par rejet de la diplomatie. Donald Trump a fait campagne sur la nécessité de restaurer un leadership américain et de refaire de son pays la puissance mondiale numéro un de façon incontestée et incontestable.
Au cours de la crise vénézuélienne de 2018-2019, il n’a pas exclu la possibilité d’une solution militaire pour y mettre fin, laissant penser que les États-Unis pourraient intervenir pour renverser le président Maduro. Son bras de fer avec l’Iran fait craindre que n’éclate – accidentellement ou volontairement – une guerre dans le golfe Arabo-Persique. Il a songé à confier à l’armée américaine la surveillance de la frontière avec le Mexique. En 2017, il a laissé planer la perspective d’un affrontement militaire avec la Corée du Nord faisant craindre à certains une guerre contre une puissance nucléaire liée de surcroît à la puissance chinoise.
Il a par ailleurs considérablement augmenté les dépenses militaires américaines, pourtant déjà conséquentes, en les faisant passer en deux ans de 600 à 720 milliards de dollars. Il ne cesse de demander à ses alliés européens et asiatiques d’augmenter leurs dépenses militaires.
S’il veut manifestement assurer une domination du monde par les États-Unis, ce n’est pas par le biais de l’intervention militaire, estimant que les différentes interventions militaires américaines depuis la fin de la guerre froide ont plutôt affaibli les États-Unis et n’ont par ailleurs pas permis d’emporter des victoires.
Ils estiment que les États-Unis n’ont pas à exporter la démocratie et veulent rompre avec la politique d’hégémonie libérale développée à partir des années 1990. Selon cette théorie, les États-Unis, par devoir moral et par intérêt national, doivent œuvrer à développer dans le monde des systèmes démocratiques, quitte à le faire en mettant en place des opérations de changement de régime. Contrairement à ses prédécesseurs, Trump ne prône pas l’établissement de régimes démocratiques partout dans le monde. Cet engagement était d’ailleurs à géométrie très variable. Il est en ce sens plutôt en phase avec l’opinion publique américaine, moins interventionniste que les élites et qui estime qu’il faut d’abord couvrir les besons intérieurs des États-Unis. Trump estime que le pouvoir de coercition des États-Unis est bien plus fort sur le plan économique du fait de l’application extraterritoriale de la législation américaine et qu’il peut imposer ses volontés aux autres nations sans recourir à la guerre.
Il souhaite plutôt se désengager d’Europe et d’Asie et c’est pour cela qu’il demande aux Européens, à la Corée du Sud et au Japon d’augmenter leur budget militaire et donc leurs achats d’armement aux États-Unis.
S’il souhaite manifestement se débarrasser des régimes iranien, vénézuélien et cubain, c’est plus par le biais de sanctions économiques, d’embargo et d’étouffement économique en imposant aux autres nations des restrictions au commerce avec ces pays. Il a ainsi proclamé un embargo sur le pétrole vénézuélien et iranien, espérant que du fait des privations que cela allait engendrer, les populations de ces pays allaient se retourner contre leurs gouvernements et les renverser. Il théorise le concept de « pressions maximales » menaçant les pays qui continueraient d’acheter du pétrole à ces pays de leur fermer le marché américain et même de les sanctionner.
On ne peut exclure non plus que Donald Trump joue la « stratégie du fou », développée en son temps par Richard Nixon, consistant à faire semblant d’être prêt à tout, y compris des pires menaces militaires, pour faire peur à son adversaire et l’amener à la raison.
Il est peu probable que Donald Trump n’ait jamais lu Sun Tzu, mais il semble appliquer son principe majeur selon lequel il est préférable de gagner la guerre sans livrer bataille. Trump est brutal et dominateur, mais il n’est pas un va-t-en-guerre.
Pascal Boniface vient de publier « De Sun Tzu à Xi Jinping », une mise en perspective de L’art de la guerre, de Sun Tzu paru chez Ekho (Armand Colin)