[20 minutes] À quoi sert encore le sommet du G20 ?

D’abord, d’où vient le G20 ?

Il y a trois temps. En 1975, Valéry Giscard d’Estaing créé le G7, car à la suite de la crise pétrolière et à la crise économique il voulait créer une instance de concertation souple entre les sept pays les plus industrialisés. Ensuite, le G20 a été créé au niveau des ministres de l’Economie en 1999. Pour tenir compte de la globalisation et de l’émergence de nouveaux pays industrialisés. En 2008, c’est pour la première fois au niveau des chefs d’Etats et de gouvernements que ce G20 se réunit. C’était pour faire face à la grave crise économique mondiale.

Ce rendez-vous-là s’est ritualisé, il est devenu annuel. Il a encore une utilité, concrètement ?

Oui, même s’il ne faut pas s’attendre à des miracles. D’autant moins qu’avec la présence de Donald Trump, insensible au multilatéralisme. Du coup, ni le G7, ni l’assemblée générale de l’ONU ou le G20 ne parviennent à des résultats très concrets quand il s’agit de faire changer Donald Trump d’avis. C’est pas tellement le G20 qui est en cause, mais le président américain lui-même. Bien sur, on peut dire aussi que ces grands sommets ne débouchent pas toujours sur des résultats. Mais, je pense que, si on regarde les choses avec un peu d’objectivité, la situation serait pire s’ils n’existaient pas. On ne peut pas dire aujourd’hui qu’il y a un excès de diplomatie. Le fait que les chefs d’Etat ou de gouvernement des 20 pays les plus importants se rencontrent permet quand même de mettre de l’huile dans les rouages, permet de faire avancer des dossiers et d’éviter les malentendus. Même si, une fois encore, le facteur Trump vient perturber la fluidité des débats.

Même si n’y a pas de grandes avancées à attendre, rien que le fait que ces leaders-là puissent se voir c’est déjà important.

Oui, c’est déjà quelque chose. Ça peut dissiper des malentendus et faire avancer certains dossiers et ça permet d’éviter que des crises naissantes deviennent plus importantes et il y a quand même toujours des progrès. Ne serait-ce que pour mettre sur le premier plan de l’actualité des sujets importants auxquels le monde est confronté. Honnêtement, je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’accords, ou alors peut-être sur des sujets bilatéraux. On verra si Chinois et Américains arrivent à se mettre d’accord sur leurs différends commerciaux. Mais, là encore, c’est moins le G20 que la présidence américaine qui est en cause.

Vous aviez beaucoup parlé de la présence de Donald Trump, qui gâte un peu l’intérêt de telles rencontres : il y a un risque que cette ligne, très peu favorable au multilatéralisme, se diffuse ?

Elle s’est déjà diffusée avec le Brésil. Le Brésil était le chantre du multilatéralisme lorsque Lula ou Dilma Rousseff étaient au pouvoir. Et avec Jair Bolsonaro, on a une sorte de clone de Trump qui est arrivé au pouvoir dans la 9e puissance mondiale. Donc, ça vient encore accentuer encore un peu plus la chute du multilatéralisme. Et, par ailleurs, Trump n’est pas le seul responsable puisque, peut-être en réaction à son propre unilatéralisme, on voit que la Chine et la Russie sont elles aussi tentées par des actions du même type.

C’est une menace ?

Oui, car nous vivons dans un monde qui est à la fois global et interdépendant. Aucun des grands défis qui se pose à l’humanité ne peut être résolu par des solutions unilatérales et individuelles. Ce n’est qu’ensemble qu’on pourra trouver des solutions aux grands problèmes auxquels le monde est confronté. Mais si la première puissance du monde refuse cela et si la deuxième en a une interprétation élastique c’est bien sûr problématique.

Comment, dans un tel rendez-vous, quand on est un ou une cheffe d’Etat du G20, on fait face à une puissance aussi importante qui, plus ou moins, refuse la discussion ?

On essaye, collectivement, de faire pression pour montrer son isolement, pour faire une pression indirecte sur lui. Mais, effectivement, il n’y a pas de votes à la majorité, donc un pays qui refuse… C’est par consensus que les décisions sont prises. Et le G20 n’est pas du tout en mesure d’imposer à Donald Trump, ni à quiconque, une décision qu’il ne voudrait pas voir réalisée.

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