À peine rentré à Washington après son voyage en France, Donald Trump s’est signalé par une série de tweets rageurs remettant en cause le pays et son président, Emmanuel Macron.
Les tweets du président américain ne sont qu’en apparence compulsifs et irrationnels ; on peut y trouver une explication logique. Dans cette affaire, deux facteurs ont semblé orienter la réaction de D. Trump : d’un côté, celui de toujours plaire à son électorat et donc de montrer qu’il est le « boss » ; d’un autre côté, il est certainement vexé de la tenue d’un grand forum international, avec la présence de 80 chefs d’État et de gouvernement, dont il s’est retrouvé, non pas au centre, mais au contraire à la périphérie. Il n’en fut en effet pas la vedette, si ce n’est la vedette négative. Vexé qu’E. Macron ait pu organiser avec succès un sommet mondial, contre sa personne, il a voulu, une fois revenu aux États-Unis, se venger.
À la suite de ces tweets insultants, E. Macron a semblé jouer l’apaisement. Rappelons qu’il avait dès l’origine opté pour une politique de « câlinothérapie » à l’égard de Donald Trump. Il n’avait donc pas souhaité l’attaquer frontalement, en partant du principe que D. Trump était là pour au moins quatre ans, qu’ils avaient donc plusieurs années à passer ensemble au pouvoir et qu’il n’était pas pertinent de s’engager dans une lutte. Mais, force est de constater que cette tentative de séduction et d’apaisement ne fonctionne pas. Sur aucun dossier, E. Macron n’est parvenu à faire changer le président américain d’avis. Cette stratégie, qui pouvait initialement se comprendre – y compris l’invitation controversée sur les Champs-Élysées le 14 juillet dernier – montre ses limites.
Finalement, il semble impossible de faire évoluer l’avis de D. Trump sur aucun grand sujet, qu’il s’agisse du climat, du nucléaire iranien, des sanctions contre les pays qui voudraient continuer de commercer avec l’Iran, du retrait de l’UNESCO, du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, etc. Sur aucun grand dossier stratégique, un accord entre la France et les États-Unis n’a pu être trouvé ; il peut donc paraître vain de continuer à afficher un accord personnel alors que les désaccords stratégiques majeurs sont légion. Peut-être que cette volonté de maintenir cette bonne relation personnelle peut être interprétée, non seulement par D. Trump, mais aussi par les citoyens américains et ceux des autres pays, comme une soumission, ou du moins une forme de lâcheté. Cette stratégie de « câlinothérapie » qui pouvait être utile au départ semble avoir montré ses limites. Il faut passer à une autre étape dans les relations entre la France et les États-Unis, et entre E. Macron et D. Trump.
Deux options s’offrent désormais à la France : soit elle privilégie une bonne relation avec D. Trump, rentre dans le rang et renonce, d’une certaine manière, à sa souveraineté en lui donnant raison sur tous les dossiers ; soit elle choisit une ligne indépendante – E. Macron s’est référé plusieurs fois au gaullo-mitterrandisme – quitte à dégrader ses relations avec le président américain. Dans tous les cas, il faut assumer ses choix, parce que la stratégie d’apaisement a montré ses limites. Dans l’opposition à Trump, il est temps de passer du « dire » au « faire ». Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a mentionné la mise en place d’un « véhicule spécial » qui pourrait permettre de continuer les transactions avec l’Iran. Où l’héberger ? La France pourrait le faire, montrant par-là que les sanctions de D. Trump ne l’effraient pas. Il faut sortir de la terreur des réactions américaines. Nous pourrions avoir des alliés qui s’opposent eux-mêmes à D. Trump, car beaucoup de pays attendent de la France une réaction forte face à la politique du président américain.
E. Macron peut donc s’opposer plus activement, directement et fermement, à Donald Trump. Il s’agit bien sûr d’une stratégie risquée avec de possibles représailles, mais c’est le prix à payer pour exister sur la scène internationale. Lorsque le général de Gaulle se retire de l’OTAN ou que François Mitterrand s’oppose à la « guerre des étoiles » (alors que tout le monde craignait que la France soit marginalisée, stratégiquement et technologiquement) ou encore que Jacques Chirac s’oppose à la guerre d’Irak, ils prennent des risques. Il est désormais temps qu’E. Macron en face de même, qu’il se transforme en homme d’action plus que de parole.
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