Alexis Lacroix : journaliste ou porte-serviette de BHL ?

La charte de Munich, déclaration des droits et devoirs des journalistes, exige de leur part de publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner – si nécessaire – des réserves qui s’imposent, de s’interdire la diffamation et les accusations sans fondement. De son côté, la charte du syndicat national des journalistes adoptée en mars 2011, tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge, la manipulation et la non-vérification des faits, comme les plus graves dérives professionnelles.

Sans doute Alexis Lacroix n’a jamais lu ni l’une ni l’autre et n’entend pas les respecter. Dans le cas inverse, il n’aurait pas déclaré, le 21 octobre 2016 dans l’émission « Les informés » de France Info (aux alentours de la 44ème minute) :

« Si on cite des politiques, moi je veux bien, c’est l’époque qui veut ça, c’est le populisme déchaîné. Il faut aussi citer des intellectuels. Quelqu’un comme Pascal Boniface qui est un chercheur reconnu, qui a pignon sur rue, il est assez probable que ses liens avec certaines pétromonarchies lui permettent de faire subsister ses activités. »

L’animateur, Jean-Mathieu Pernin, lui a dit qu’il demanderait ce que j’aurai à répondre. Il aurait pu l’interroger sur les sources qui lui permettaient de proférer ces graves accusations contre mon intégrité. C’est quand même assez incroyable ! Des responsables politiques sont gravement accusés par des journalistes réputés – Christian Chesnot et Georges Malbrunot – d’avoir sollicité en échange de leur influence politique des cadeaux du Qatar [1]. Ils ont bien sûr le droit de leur répondre mais en parler c’est du « populisme déchaîné ». Par contre, me mettre en cause alors que je ne suis pas cité dans ce livre, c’est quoi ? De la calomnie pure et simple, contraire à toute déontologie journalistique.

Mais, si Alexis Lacroix se dit journaliste et qu’il n’en respecte pas les règles déontologiques, c’est qu’outre ses fonctions à Marianne, il est l’animateur du cercle La règle du jeu,créé par Bernard-Henri Lévy (BHL). C’est donc plutôt en porte-serviette de BHL et pour complaire à son bon maître qu’il me met en cause. BHL m’attaque depuis 2001. Parce que j’ai prôné une politique moins complaisante à l’égard du gouvernement israélien, je suis l’objet de sa vindicte. Lui qui se prononce contre le boycott des produits des colonies israéliennes pratique, grâce à ses obligés, le boycott des intellectuels français qui lui déplaisent. Il a bien failli réussir à faire mourir l’IRIS. Et je suis depuis accusé d’être « payé par les Arabes » [2]. Il est d’ailleurs assez intéressant de voir que les tentatives de faire disparaître un centre de recherche n’ont fait l’objet d’aucune enquête journalistique dans Marianne ou dans aucun autre journal français mainstream. Ce serait pourtant intéressant sur le plan des principes, de l’information et de la liberté d’expression. Mais nul ne s’y est attelé en France. Un universitaire australien que je n’ai jamais rencontré, Evan Jones, a réalisé l’enquête la plus fouillée sur le sujet [3]. En réalité, la seule. Si, effectivement, l’IRIS a survécu à ces multiples attaques, il ne doit en rien à des financements des pays du Golfe, mais à la qualité de son équipe, largement et internationalement reconnue. L’IRIS serait certes plus développé sans les attaques qu’il a subies, et ma carrière aurait certainement pris une autre dimension. Par ailleurs, si j’ai toujours combattu le Muslim bashing, je n’ai jamais hésité à critiquer la politique des États du Golfe, qu’il s’agisse du système judiciaire saoudien, des bombardements sur le Yémen, du système de la « kafala » du Qatar, de la condamnation du poète dans ce pays pour avoir critiqué l’émir ou du soutien financier de certaines familles du Golfe à l’égard de groupes djihadistes en Syrie.

Ne pas avoir cédé aux pressions, aux chantages et avoir publié les ouvrages « Les intellectuels faussaires » et « Les pompiers pyromanes », dans lesquels j’égratigne BHL sans qu’aucun démenti de ce que j’y ai écrit n’ait été apporté, ont bien sûr aggravé mon cas. Et sans doute Alexis Lacroix espère être récompensé pour avoir, sur une antenne publique, alimenter ces rumeurs.

Je ne suis pas payé pour ce que je dis ou écris ; j’ai payé pour l’avoir fait librement, contrairement à certains courtisans.

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[1] CHESNOT (Christian), MALBRUNOT (Georges), Nos très chers émirs, Michel Lafon, 299 pp.

[2] http://www.iris-france.org/43995-oui-javoue-je-suis-pay-par-les-arabes/

[3]http://questionscritiques.free.fr/edito/CP/Lobby_Israel_politique_francaise_CRIF_090714.htm