La multiplication du nombre d’attentats terroristes crée un trouble profond chez les responsables politiques, les commentateurs, les médias et le public.
Comment qualifier le phénomène ? S’agit-il d’une troisième guerre mondiale ? Il y a bien des attentats à l’échelle mondiale. L’idéologie de Daesh est bien totalitaire et haineuse. Mais Daesh n’est pas l’équivalent de l’Allemagne nazie (ni de l’Union soviétique) en termes de puissance. Ses dirigeants voudraient sans doute anéantir le monde occidental, mais ils n’en ont tout simplement pas les moyens. Les présenter comme une menace de guerre (mondiale ou non) ne peut que les flatter, les renforcer et leur permettre de galvaniser de nouvelles recrues.
Mais la menace est durable et multiforme. Mais même si Daesh perdait son assise territoriale, les attentats ne cesseraient pas car le vivier de ceux qui sont d’ores et déjà prêts à passer à l’acte est trop nombreux.
Quatre cinquièmes des Français et des Allemands estiment que le nombre d’attentats va augmenter mais ces chiffres ne disent pas s’il s’agit d’un constat lucide et froid ou d’un sentiment de panique qui aurait atteint les citoyens des deux pays.
Quand on regarde leur comportement, on a plutôt le sentiment d’une forte résilience : les citoyens sont inquiets mais ils ne vivent pas cloîtrés. Malgré les signaux alarmistes, les foules ont été nombreuses sur les routes du Tour de France et les fans zones de l’euro ont fait le plein.
On ne peut pas protéger tous les sites, le risque zéro n’existe pas. Parmi ceux qui ont commis des attentats, il y a des djihadistes déterminés ayant fait des passages en Syrie et en Irak. Mais il y a également des esprits dérangés, des psychopathes auxquels Daesh donne un cadre idéologique justificateur et une possibilité d’auto glorification. Plus on parlera terrorisme, plus on suscitera des vocations parmi ces esprits faibles, par mimétisme. Je reste convaincu que s’il faut toujours agir avec détermination, le fait d’en parler autant des attentats et de leurs auteurs et de le mettre en scène à ce point aggrave le mal.
L’opposition a le droit de critiquer le gouvernement, y compris lors de circonstances dramatiques. Mais croit-on qu’il suffirait d’une alternance politique pour mettre fin au terrorisme ? Le débat légitime a dégénéré en polémiques qui ne peuvent que réjouir les ennemis de la France.
Des responsables politiques français de tous bords ont cédé à la pression médiatique en commentant des attentats sans pour autant avoir les éléments de l’enquête. Sans parler de certains commentateurs dont certains parlent sur du vide.Indirectement, ils tombent dans le piège que leur tend Daesh. On a vu des déclarations prématurées, intempestives, loufoques voire ridicules et donc scandaleuses. Certaines d’entre elles étaient plus destinées à satisfaire les attentes supposées du public qu’à apporter des solutions concrètes efficaces et pertinentes à la lutte contre le terrorisme.
Ceux qui ont soutenu la guerre d’Irak en 2003 ou qui proposaient encore récemment de bombarder l’Iran, seule façon à leurs yeux de l’empêcher d’avoir accès à l’arme nucléaire, sont mal placés pour nous expliquer doctement comment lutter contre le terrorisme.
Quels sont les buts de Daech ? Nous faire du mal et nous faire souffrir, c’est fait. Nous terroriser, ce n’est pas encore le cas. Prendre l’ascendant sur notre agenda politique et médiatique, c’est en train de se produire, hélas. Accéder à la notoriété, apparaître comme une superpuissance, nous sommes en train de les aider à réussir. Opposer musulmans et non musulmans, cet objectif n’est pour le moment atteint que dans des parties limitées de l’opinion mais certains « experts » et responsables politiques semblent contribuer fut ce involontairement a cet objectif.Le clivage n’est pas entre les partisans d’une ligne dure et les « laxistes » il est entre ceux qui vendent l illusion de solution a court terme et ceux qui ont le courage de dire au public qu il faut une perspective de long terme
Barak Obama a raison de dire que Daech ne constitue pas une menace existentielle. Mais elle pourrait le devenir. Si nous tombons dans son piège, si nous contribuons à privilégier l’émotion sur la réflexion ,le court sur le long terme, les déclarations spectaculaires et martiales aux solutions réalistes, ce serait une prophétie auto réalisatrice.