En sous-entendant que Didier Deschamps n’aurait pas pris dans sa sélection de 23 joueurs pour l’Euro 2016 Karim Benzema et Hatem Ben Arfa en raison de leurs origines maghrébines, Éric Cantona a créé indubitablement le buzz. Mais il a surtout desservi la cause de la lutte contre le racisme et la discrimination.
Ses accusations ne résistent pas à l’examen. Didier Deschamps a soutenu Benzema contre vents et marées après l’éclatement de l’affaire de la sextape ; cela le lui a même été reproché. Il avait maintenu sa confiance en Benzema entre l’Euro 2012 et la Coupe du monde 2014, alors que le joueur était en période de doute.
Deschamps a rappelé Ben Arfa en équipe de France cette saison. Lorsqu’il ne le fut pas lors des précédentes saisons, ce ne fut jamais ses qualités sportives qui étaient en cause mais d’éventuels problèmes de compatibilité avec ses coéquipiers. En le réintégrant en équipe de France, Deschamps a levé cette hypothèque. Le sélectionneur a également beaucoup insisté pour que Nabil Fekir choisisse l’équipe de France plutôt que la sélection algérienne. C’est uniquement à cause de sa blessure et de sa longue indisponibilité que Fekir n’est pas dans la liste. Il a par ailleurs appelé Adil Rami pour suppléer le forfait de Raphaël Varane.
Lorsque l’on regarde la liste des 23 joueurs retenus, on a du mal à voir une trace de racisme chez Didier Deschamps.
Dans tous les clubs qu’il a auparavant entraînés, Didier Deschamps s’est appuyé sur des joueurs de toutes origines sans qu’il n’y ait jamais la moindre évocation d’un problème de racisme.
Lorsque Cantona déclare, « Deschamps un nom très français (…) Personne dans sa famille ne se mélangeait avec quelqu’un », il dérape gravement. Cela signifierait qu’un individu qui ne provient pas de « la diversité » ne pourrait pas se mobiliser dans la lutte contre le racisme, voire même serait un peu raciste. C’est cette affirmation qui est raciste en préjugeant la réaction des individus en fonction de leurs origines.
Je suis de ceux qui auraient souhaité voir Ben Arfa intégrer la liste des 23. Je fais partie des 65 millions de sélectionneurs en France. Il y en a un seul qui l’est réellement : c’est Didier Deschamps. Il le fait en tenant compte de multiples paramètres : l’origine ethnique des joueurs n’est pas de ceux-là. Il est certain que parmi les 65 millions de sélectionneurs qui ne voulaient pas voir Benzema et/ou Ben Arfa en équipe de France, il y a un certain nombre de racistes. Mais ce n’est pas pour leur faire plaisir que Deschamps a pris sa décision. Comment penser qu’il puisse se priver d’un talent qui augmenterait ses chances d’un meilleur parcours ? Il a démontré dans le passé que son pragmatisme n’a d’égal que sa soif de gagner.
Je suis de ceux qui admirent Cantona et regrettent qu’il n’ait pas participé à l’Euro 96 et à la Coupe du monde 98, où la France a quand même gagné sans lui. Il s’est souvent lancé dans de nobles combats. Là, il dessert la cause qu’il prétend servir.
Qu’il ait des comptes personnels à régler avec Didier Deschamps, avec l’équipe de France qu’il a souvent déclaré ne pas soutenir, ne lui permet pas d’aggraver les divisions entre Français et les tensions interethniques.
La lutte contre le racisme et les discriminations consiste à être intraitable lorsque des faits réels sont avérés et non pas à susciter des polémiques inutiles sur fond de théorie du complot.