Les élections primaires américaines ont rendu leur verdict. Début novembre devront s’affronter Donald Trump côté Républicain et Hillary Clinton côté Démocrate. Ce sont deux leaders qui s’opposent, autant par leur personnalité que par leur programme, ce qui devrait susciter un grand intérêt partout dans le monde. Mais on voit déjà, à la façon dont le débat politique américain est suivi mondialement, que les États-Unis ont un rôle à part sur l’échiquier mondial. Car, si du Proche-Orient à l’Asie, de l’Afrique à l’Europe, les élections sont suivies de si près, c’est que chacun sait que le résultat peut avoir des conséquences importantes pour son propre pays.
Sur le plan des questions internationales et stratégiques, un fossé gigantesque sépare Hillary Clinton de Donald Trump.
La première est très expérimentée, ayant été la secrétaire d’État de Barack Obama lors de son premier mandat, après avoir été sénatrice de New York pendant six ans et première dame du pays de 1992 à 2000. Elle est entourée d’une équipe nombreuse et solide de spécialistes et a un carnet d’adresses international fourni. Le second n’a exercé aucune responsabilité à vocation internationale. On ne lui connaît aucun expert connu qui lui serait attaché et il avoue lui-même se fier à son intuition pour décider des grandes orientations. Cela ne semble pas effrayer pour l’instant les électeurs.
C’est un peu la limite du système politique américain. Les États-Unis ont un poids international très fort, mais ses citoyens sont assez peu au fait des questions de politique étrangère. Ils n’ont pas réellement conscience des conséquences de la mondialisation, notamment du fait que, si les États-Unis restent le pays le plus important du monde, il ne leur est plus possible d’agir sans tenir compte des autres ; que l’unilatéralisme n’est plus possible dans un monde globalisé.
Donald Trump a fait des déclarations chocs, qui ont eu pour effet de satisfaire une partie de l’électorat américain. Il a proposé d’interdire l’entrée du pays aux musulmans, qu’il assimile assez vite au terrorisme ; il veut construire un mur pour empêcher les Mexicains et Latino-Américains de venir aux États-Unis (aux frais du Mexique). Tout ceci peut être populaire chez les électeurs américains blancs qui sont inquiets à l’idée de perdre la bataille démographique et devenir minoritaires d’ici la moitié du siècle. Mais, évidemment, ce programme est tout à fait irréalisable et aurait des conséquences catastrophiques. Cela ne serait pas la première fois qu’un candidat ferait de telles déclarations, impossibles à mettre en œuvre. Par ailleurs, si Trump était élu, le poids de l’administration au Pentagone, département d’État, viendrait modérer ses propositions les plus excessives, et en tous les cas suffisamment inquiétantes, pour que plus de deux-cent anciens diplomates militaires et spécialistes géopolitiques signent un texte commun pour mettre en garde les conséquences de son élection sur les intérêts nationaux américains.
Les déclarations outrancières de Trump font craindre à certains qu’il ne lance son pays dans de nouvelles aventures militaires. Les plus récentes ont coûté très cher non seulement aux États-Unis mais également au reste du monde. Mais là, le danger est moindre. Donald Trump est en fait isolationniste, reprenant une tradition américaine antérieure à la Seconde Guerre mondiale. Il veut laisser les alliés européen, coréen, japonais, arabe se débrouiller et n’entend pas engager les États-Unis pour les défendre. Le risque est plutôt dans le repli sur soi que dans un interventionnisme débridé. Là-encore, s’il était élu, il pourrait adopter une politique différente de celle qu’il proclame mais l’inquiétude demeure, essentiellement parce qu’elle correspond à une lame de fond aux États-Unis, après les expéditions catastrophiques en Afghanistan et en Irak.
En face, Hillary Clinton est beaucoup plus classique, représente une ligne plus dure que Barack Obama et pourrait être plus tentée d’intervenir militairement. Elle est en même temps consciente des limites des possibilités d’action des États-Unis ; on sait qu’elle était réticente à l’accord nucléaire sur l’Iran mais ne devrait pas le remettre en cause, pas plus que la réconciliation entre les États-Unis et Cuba. Sur le Proche-Orient, elle a proclamé une solidarité sans faille avec Israël ; elle avait déjà approuvé la guerre de Gaza en 2014.
Avec Clinton, on resterait dans le cadre d’une politique américaine connue, avec ses limites qui le sont également. Avec Trump, on entrerait dans une zone inconnue et imprévisible. Même si Obama a déçu, on risque de le regretter après 2016.