Laurent Fabius, nommé président du Conseil constitutionnel, va quitter le Quai d’Orsay. Il a été ministre des Affaires étrangères pendant près de quatre ans.
Quel bilan peut-on dresser de son passage ?
Il finit sur un succès éclatant, celui de la COP 21, qui ne lui est bien sûr pas uniquement dû. Il y avait des circonstances favorables à un accord, notamment un changement d’attitude de la Chine et des Etats-Unis. Cela fait contrepoids à l’échec de Copenhague. Si le mérite n’en revient pas au seul Laurent Fabius, il en a pris toute sa part en en faisant une priorité de la diplomatie française, ce qui n’était pas gagné en 2012, et surtout en mettant la machine entière du Quai d’Orsay, qui a travaillé avec le professionnalisme qu’on lui connaît, au service de cette cause. Ce succès est ainsi en grande partie le sien, ce qui a été reconnu par la plupart des autres ministres étrangers qui y ont participé. Il jouera certainement le même rôle dans la mémoire de son héritage que le discours de Dominique de Villepin devant le Conseil de sécurité à l’ONU en février 2003. Pour une fois, la notion de « communauté internationale » a pris tout son sens. Des pays aux intérêts profondément divergents se sont mis d’accord sur un objectif commun d’intérêt supérieur. C’est suffisamment rare pour pouvoir être souligné.
L’autre élément essentiel du bilan de Laurent Fabius est la modernisation du Quai d’Orsay. Une modernisation dans les structures, avec le rattachement du commerce extérieur et du tourisme ; une modernisation dans le fonctionnement ; une féminisation du Quai d’Orsay, ce qui n’était pas gagné d’avance. Je noterai à titre plus personnel la création d’un ambassadeur pour le Sport. On peut donc dire que la réforme du Quai d’Orsay pour être opérationnelle au XXIème siècle marque vraiment l’emprise de Laurent Fabius. C’est à la fois un artisan, parce qu’il a mis les mains dans le cambouis de la machine du Quai d’Orsay, et un architecte. Il a une vision élargie de la diplomatie française, du rôle de la France dans le monde et des mutations stratégiques. Il a beaucoup conceptualisé ce sujet, mais pas dès le départ pour laisser la prééminence au président François Hollande, qui a moins le goût que Laurent Fabius des schémas globaux et privilégie plutôt une approche dossier par dossier.
On lui a reproché d’avoir durci le ton sur l’Iran. S’il y avait eu un échec dans la négociation sur le nucléaire iranien, la France en aurait été en grande partie responsable. Mais il n’y a pas eu d’échec et un accord a été signé le 14 juillet 2015. Le fait d’avoir durci le ton, alors qu’Obama était, quant à lui, davantage prêt à signer, est venu rendre l’accord plus crédible, robuste et moins critiquable par tous ceux qui, aux Etats-Unis mais aussi en Israël, en Arabie Saoudite, ne voulaient pas de cet accord.
Bien sûr, la guerre civile persistante en Syrie est un dossier plus douloureux. Laurent Fabius a peut-être fait l’erreur de penser que Bachar Al-Assad pouvait partir en 2012. Mais le moins que l’on puisse dire est que cette erreur était largement partagée par l’ensemble des décideurs à l’époque. On n’a pas réussi à se débarrasser d’Assad et la guerre court toujours.
Un autre reproche que l’on entend parfois est celui de n’être pas assez actif, ou moins qu’auparavant, sur le dossier israélo-palestinien. Sur ce point, il faut reconnaitre deux choses. D’une part, depuis 2005, la France est moins active sur ce dossier. Cela date ainsi depuis longtemps, dans les derniers temps de la présidence Chirac, avant même Nicolas Sarkozy. D’autre part, sur ce dossier, Laurent Fabius a été plus actif et est celui qui a bloqué François Hollande qui, notamment pour des raisons de politique intérieure, a levé le pied sur ce conflit.
On peut donc penser que le bilan global de Laurent Fabius est largement positif. On disait jusqu’ici qu’il y avait deux ministres des Affaires étrangères au-dessus du lot, qui ont marqué l’histoire du Quai : Alain Jupé à droite et Hubert Védrine à gauche. On peut penser que Laurent Fabius a désormais rejoint ce duo pour former un trio.