Christian Jeanpierre est journaliste et commentateur sportif, et suit depuis 1988 toutes les coupes du monde de football et de rugby pour TF1. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « 48 2/3 », paru aux éditions Les Arènes.
Vous rassemblez, dans votre livre, des personnes aux parcours de vie extrêmement différents. Quel est, par exemple, le rapport entre Arsène Wenger et le comte de Bouderbala ?
En écrivant le livre, j’ai souhaité rassembler des personnalités d’horizons différents – des artistes, des sportifs, des aventuriers – mais qui ont en commun d’avoir su faire de grandes choses tout en ayant traversé des épreuves.
Le Comte de Bouderbala et Arsène Wenger, comme par ailleurs Christian Califano, Kad Mérad ou encore Jean-Claude Olivier, sont tous des « artistes de la vie », de grands bosseurs qui ont su saisir leur chance et tracer leur propre destin. Ils ont des trajectoires de vie fascinantes et ont su s’imposer comme des références dans leur domaine respectif mais derrière chaque quête, chaque victoire, il y a des fêlures et de l’humain. C’est cela que j’ai voulu présenter.
Arsène Wenger a commencé sa carrière d’entraineur au Japon, à Nagoya, par huit défaites. Lorsqu’il a débarqué à Arsenal, il a dû affronter le scepticisme de la presse qui titrait alors « Arsène who ?». Il est désormais le manager d’Arsenal depuis vingt ans, avec de nombreux titres à son palmarès.
Sami Ameziane, alias le comte de Bouderbala, est né à Saint-Denis dans « la rue de la mort ». Malgré une taille d’1m78, qui lui a valu d’essuyer bien des critiques, il s’est imposé dans le championnat de basket universitaire aux Etats-Unis et a joué contre Tony Parker. C’est outre atlantique qu’il a démarré le stand-up, en anglais, lui l’enfant de Saint-Denis, avant de revenir en France et de réunir plus d’un million de spectateurs avec son spectacle.
Christian Califano a grandi avec un père en prison et a su canaliser sa rage pour devenir un des meilleurs piliers de l’histoire du rugby. Kad Mérad a claqué la porte à une carrière dans le rugby qui lui tendait les bras, pour « faire clown », au grand désarroi de son père.
Les douze personnalités que je présente ont connu des trajectoires cabossées, mais se sont tous appuyées sur le travail, une force mentale incroyable, et de profondes valeurs pour forcer leur destin.
Essayez-vous de réhabiliter les sportifs de haut niveau dans ces portraits ? La presse parle-t-elle plus des dérives de certains que de l’exemplarité de beaucoup ?
Je ne pense pas que les sportifs de haut niveau aient besoin d’être réhabilités. Je pense au contraire que, dans l’ensemble, ils jouissent d’une très bonne image auprès du grand public. Il y en a bien quelques-uns qui concentrent les critiques mais c’est propre à tous les milieux, et va souvent de pair avec la notoriété.
Les sportifs devraient avoir un comportement exemplaire sur et en dehors des terrains et on ne fait pas preuve à leur égard de la même mansuétude qu’envers des personnalités d’autres domaines. Tout ça prend parfois des proportions démesurées dans notre « siècle de l’image » et le moindre petit dérapage, qui serait passé inaperçu il y a vingt ans, tourne aujourd’hui en boucle sur internet et les chaines télévisuelles.
Malek Boukerchi, coureur de l’extrême et conteur, un type fabuleux que je vous invite vraiment à découvrir dans le livre, reprend souvent, lors de ses nombreuses conférences, une citation de Gandhi qui disait : « le problème de nos sociétés actuelles, ce ne sont pas les mauvaises actions mais le silence des bonnes actions. »
Existe-t-il une recette pour rester les pieds sur terre lorsqu’on est devenu un personnage public ?
Il faudrait la demander à Arsène Wenger, à Kad Mérad ou encore à Lionel Messi. Je n’ai pas la prétention de penser être en mesure de donner des leçons mais eux auraient sans doute beaucoup à vous dire sur le sujet, comme on peut s’en rendre compte dans les chapitres qui leur sont consacrés dans le livre. Lorsque j’ai reçu Lionel Messi à Téléfoot pour lui remettre son premier Ballon d’Or, en 2009, j’ai eu l’impression de passer la journée avec un jeune cadet, tant il avait su rester simple et humble.
Je pense qu’ils ont su s’appuyer sur de profondes valeurs transmises par le giron familial au cours de leur éducation, comme sur des principes de vie fondamentaux.
J’ai plaisir à constater que, comme le dit le dicton, « qui se ressemble s’assemble ». Par exemple, lorsque je rassemble les personnes de cet ouvrage dans la vie réelle et que je les laisse entre elles quelques temps, je m’aperçois qu’elles s’entendent très bien.